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a pourtant deux bastions. J’entends par-là qu’elle est protégée à ses deux extrémités, à celle de l’Est par la neutralité des eaux hollandaises qui ne permettent pas de prendre « par égrénement » le chapelet de ses ouvrages à partir de Knocke, a celle de l’Ouest par cet enchevêtrement des bancs de Flandre qui rend difficile les mouvemens des vaisseaux sans gêner suffisamment ceux des petites unités.

Eh bien ! ne serait-il pas singulièrement avantageux de se servir justement de ces bancs pour entamer, contre la courtine flamande, de véritables travaux d’approche, analogues à ceux de la guerre de siège, telle qu’on la pratiquait sur notre front avant la grande offensive allemande ?

Ces bancs « découvrent » à mer basse, je le répète, du moins affleurent-ils. Et s’ils s’enfoncent un peu en s’approchant d’Ostende, leur ligne de crête, adoucie en des d’âne, ne tombe pas au-dessous de 1 mètre, en général. Il est donc parfaitement possible de les utiliser comme assises, — le sable en est assez résistant, — d’ouvrages qui, s’appuyant progressivement les uns sur les autres, s’approcheraient d’Ostende et en commanderaient la sortie par le Nord-Ouest, tandis que la grosse artillerie de Nieuport battrait la place par l’Ouest-Sud-Ouest, les monitors et les appareils aériens brochant sur le tout[1].

Nul doute qu’avec une telle accumulation de moyens on arriverait non seulement à empêcher tous mouvemens de navires, mais à rendre le port intenable et même à en ruiner les défenses au point que la prise de possession de la ville deviendrait possible, opération dont il est aisé d’entrevoir les conséquences.

Mais, je ne crains pas de le dire, pour sérieuses qu’elles fussent, ces conséquences ne me paraîtraient pas encore suffisantes à côté des espoirs que fait naître dans mon esprit le remarquable coup de vigueur de la marine britannique dans la nuit et la matinée du 23 avril.

Non, ce n’est pas seulement, désormais, la côte belge qu’il

  1. Je ne donne ici que le « schéma », à peine tracé, de la proposition. Je dois dire qu’en 1899-1900, quand je commandais à Dunkerque, le chef de service des Ponts et Chaussées considérait comme parfaitement réalisable l’entreprise de la construction d’un fort en mer au large du port. N’en disons pas plus pour le moment. J’ajoute toutefois que, si l’on estimait le procédé trop difficile ou trop long (la guerre ne sera cependant pas finie « dans trois mois, » comme on le dit depuis quatre ans bientôt…), il resterait celui d’échouer à demeure, sur ces crêtes de bancs, certains vieux gardes-côtes cuirassés qui joueraient fort bien le rôle de « forts en mer. »