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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/462

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REVUE MUSICALE


Claude Debussy. — Castor et Pollux à l’Opéra. — Musique religieuse de la vieille France. — A la mémoire d’un sanctuaire outragé.


Claude Debussy est mort il y a quelques semaines, âgé de cinquante-six ans. Il avait donné toute sa mesure, dont l’avenir dira peut-être qu’elle fut originale, et petite. Plus que tout autre musicien de son temps, celui-là buvait dans son verre, lequel, encore une fois, n’était pas grand, mais d’un mince cristal, où se jouaient, en reflets irisés, d’incertaines et changeantes couleurs. On peut ne pas aimer cet art, aller même jusqu’à le craindre ; il est impossible de ne le point reconnaître, facile aussi d’en signaler le bienfait et le maléfice.

On sait que sur le cercueil de Richard Wagner une couronne fut déposée, qui portait cette inscription : « Rédemption au rédempteur. » Entendue autrement, en un sens plus étroit, l’épitaphe ne conviendrait pas mal à Claude Debussy. L’auteur de la Demoiselle élue, du Prélude à l’après-midi d’un faune, de Pelléas et Mélisande, n’a pas contribué médiocrement à nous délivrer, nous Français, du « rédempteur » lui-même, de celui-là qui, loin de nous Libérer, finissait par nous opprimer et nous asservir. Une polyphonie indigeste et massive, le système du « tout à l’orchestre, » la passion, — poussée à la frénésie, — du « motif conducteur, » en un mot l’imitation ou la contrefaçon, de Wagner, le wagnérisme, puisqu’il faut l’appeler par son nom, avait alourdi la musique française et menaçait de l’étouffer. Debussy donna le signal d’une réaction nécessaire. Il commença d’épargner le matériel sonore, que l’on prodiguait en vain. Par lui, de pesante et bruyante, de grossière parfois que d’autres l’avaient faite, notre musique devint légère et presque