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« énerver, » mais « secoue » surtout ses régimens passés à l’état de colis, comme s’ils ne s’usaient pas dans ces voyages, et condamnés, avant le massacre, à une perpétuelle navette. Parce qu’il manœuvre sur lignes intérieures, il abuse à leur détriment de la liberté de déplacer constamment la bataille. Il ne se peut pas que ces mouvemens de possédé, cette suite dans l’incohérence, ne lui procurent çà et là quelques avantages, mais petits, brefs et de tout près circonscrits. Dans les Flandres, l’intention immédiate et locale des assauts, montés massivement, violemment conduits, à la manière prussienne, n’était pas douteuse: il s’agissait de faire tomber Ypres, ou ce qu’il en reste (et il n’en reste que des ruines), en débordant par le Sud et par l’Ouest l’emplacement où jadis une ville s’élevait, Même limitée à ce résultat médiocre, l’opération a échoué, et le Haut Commandement allemand, qui pratique lui aussi le régime des Ersaetze, des substitutions d’objectifs, a dû recourir une fois de plus à l’expédient des « moyens provisoires. » Anglais, Français et Belges firent, coude à coude ou de proche en proche, l’épreuve de ces accès délirans de fureur teutonique. Anglais, Français et Belges y résistèrent avec un courage égal et un égal bonheur. C’était ensuite la ligne des monts de Flandres qui était convoitée et menacée : Hazebrouck avec sa quintuple ou sextuple étoile de chemins de fer, et tout le pays que Hazebrouck ouvrait. Vainement partout. En vain au Mont des Cals, en vain au Mont-Rouge, en vain à Voormezeele, en vain sur le canal ; en vain contre Hazebrouck et en vain contre Ypres. Ils n’ont point passé. A la fin d’avril, au commencement de mai, la ligne décrivait une courbe, concave, par rapport à nos positions, de l’Ouest de Bailleul à Voormezeele, par Locre, Scherpenberg, la Clytte, le Sud de l’étang de Dickebusch; convexe, de Voormezeele à Verlorenhoek, par l’Est de l’étang de Zillebeke et Hooge. Pour un temps du moins, l’attaque allemande, ou plutôt les attaques allemandes, étaient « fixées, » immobilisées dans les Flandres.

Elles l’étaient aussi, et bien plus serrées encore, et avec beaucoup-moins de jeu, autour d’Amiens. Ici, la ligne n’a pour ainsi dire plus bougé. On a vu chaque jour reparaître dans les communiqués les noms de Villers-Bretonneux et de Hangard, avec quelques autres aux environs, Fouilloy, Warfusée-Abancourt, Cachy, Gentelles, Thennes. L’ennemi, par intermittences, pointe une flèche tantôt au Nord, vers Corbie, tantôt à l’Ouest, vers Amiens. Pour tromper sa déception, il bombarde de loin, avec ses grosses pièces, la cathédrale, qu’il aurait une joie sadique à mettre dans l’état où il a déjà mis cet autre