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groupés en un prétendu « congrès national flamand, » portaient à Berlin l’hommage de deux cent cinquante servilités, le loyalisme flamand, dans un magnifique sursaut, les désavouait à la face de l’Allemagne. Berlin voulait acculer les Flamands à une option qu’ils n’acceptaient pas. Demeurerez-vous Belges, leur disait-on, des Belges vaincus, ou bien ne redeviendrez-vous des Flamands ? Votre idéal ne s’accommode pas de l’unité belge, et votre patrie belge est une geôle, Mont le lion de Flandre doit s’évader… Et les gens du Conseil des Flandres étaient là, tout prêts, pour acheminer le lion vers son dompteur de Berlin.

Mais des grondements successifs, dont l’écho n’est pas assourdi, informèrent les oreilles allemandes que le lion de Flandre méprisait de tels convoyeurs et répudiait un tel dompteur[1]. Ce fut d’abord, en mars 1917, la protestation de soixante-dix-sept mandataires des arrondissements flamands, ripostant à M. de Bethmann que la séparation administrative ne faisait point partie de leur programme, et revendiquant la patrie belge, libre et indivisible. Ce fut, en juillet 1917, la déclaration du conseil communal d’Anvers, repoussant comme « pernicieux pour l’existence du pays belge » le perfide présent des envahisseurs germains. Ce fut ensuite le manifeste de 6 000 membres de la Ligue flamande belge résidant en Hollande ; puis de nouveau, en Belgique même, en février 1918, les insurrections de l’opinion contre les « activistes » du Conseil des Flandres : démarches des autorités communales, protestations de la rue, soulèvement des colères, ou bien des risées, contre les cortèges, contre les meetings, qu’avec l’appui de l’Allemagne, les « activistes » tentaient d’organiser. Et ce fut enfin, subitement, dans des sphères habituellement sereines, l’éclat d’un coup de foudre : la Cour d’appel de Bruxelles osant, sous le joug allemand, décréter d’arrestation les principaux meneurs du Conseil des Flandres, les hommes de l’Allemagne ; et la Cour de cassation, par deux délibérations, se solidarisant avec cette Cour d’appel, dont la colère allemande, par représaille, faisait arrêter trois magistrats. Au nom de la patrie belge toujours vivante, la justice belge stigmatisait les soi-disant représentants de la

  1. Voir la brochure : Ce que les Belges de la Belgique envahie pensent de la séparation administrative, avec un avant-propos de M. Carton de Wiart (Le Havre, Bureau documentaire belge, 1918).