allemands l’ont fait apparaître, non pas simplement comme un expédient de circonstance requis par des malheurs qui auront un terme, mais comme l’éloquente incarnation de cette âme belge que l’Allemagne voudrait désincarner. Ce n’est plus assez de dire, là-bas : « L’union fait la force, » car la force n’est qu’un attribut ; l’union des Flamands et des Wallons fait l’essence belge. L’homicide pangermaniste cherchait dans la structure belge l’endroit faible, « où le levier allemand pût agir efficacement[1] » : c’était sa méthode, à lui, pour tenter d’avance la rupture du front belge, au sens moral du mot. Que le levier allemand parvint à briser l’union belge, et c’était l’âme belge qui mourait.
L’âme belge ! Le mot surprit, jadis, quand certains littérateurs le prononcèrent : le voilà désormais justifié, illuminé, par l’antagonisme même de l’Allemagne. « Du verger des Flandres aux gangues campinoises, écrivait Camille Lemonnier, de la dune maritime aux ravins et aux futaies de l’Ardenne, une âme belge s’est répandue, faite de deux tronçons jadis coupés et depuis réunis, de deux races qui, malgré la dualité des modes d’expression, ont un même battement de cœur[2]. » — « L’erreur est grande, disait à son tour Edmond Picard, de ceux qui obstinément ne veulent voir en notre nation qu’une panachure mal cousue du Flamand et du Wallon. La Belgique, par son évolution à travers les âges, d’une logique et d’un entêtement historiques auxquels nul autre phénomène ethnique ne peut être comparé, s’affirme comme une nécessité mystérieuse que rien n’a pu détruire. Une âme unique, une âme commune, plane sur les deux groupes apparents, # et les inspire[3]. » Le talent de M. Henri Davignon dans sa nouvelle : L’Ardennaise, dans son roman : Un Belge, nous faisait sentir comment les contrastes qu’enveloppe et recèle cette âme, et les tourments qu’elle en peut ressentir, s’amortissent et s’apaisent en une vivifiante unité.
Au cours des cinquante dernières années, tandis que l’Allemagne se préparait sourdement à diviser la Belgique contre