elle-même, un instrument d’expression qui, depuis plus de quatre siècles, faisait défaut, se mettait derechef au service de l’âme belge : on voyait renaître, parallèlement aux œuvres flamandes des Guido Gezelle et plus tard des Stijn Streuvels, une littérature indigène en langue française. « Un peuple jaloux de son existence indépendante, disait au Sénat belge, le 11 mars 1857, une voix encore juvénile, doit tenir à posséder une pensée et à la revêtir d’une forme qui lui soit propre ; en un mot, la gloire littéraire est le couronnement de tout édifice national. » Celui qui parlait ainsi n’était autre que le futur Léopold II, et l’esprit belge, sous son règne, devait assurer à l’édifice national ce couronnement.
Ainsi s’épanouit, — exception faite de quelques parnassiens qui s’isolèrent, — une littérature de terroir, soucieuse en général d’exprimer un coin du sol, et de s’y bien enraciner pour extérioriser ensuite avec plus d’éclat tout ce que ce coin de sol recelait de vie profonde, de réalité belge et d’idéal belge ; et tous les aspects de la terre belge trouvèrent ainsi leurs commentateurs, poètes ou romanciers, qui les révélaient à la famille belge. « Je ne me suis jamais séparé des choses et des hommes qui m’entouraient, écrivait Camille Lemonnier ; j’ai vécu avec ténacité la vie des gens de mon pays. » Un autre s’adressait à l’Escaut :
Les plus belles idées
Qui réchauffent mon front,
Tu me les as données.
Il s’appelait, celui-là, Emile Verhaeren. Ils inauguraient leur œuvre en publiant, le premier : les Flamands ; le second : les Flamandes ; la littérature belge de langue française se penchait ainsi vers la fraternelle Flandre, avec une sorte de caresse. Avant eux un précurseur, dont la tombe seule connut un peu de gloire, Charles de Coster, écrivait, dès 1861, dans un français fort savoureux, des Légendes flamandes, et l’écrivain français qui, dans une préface, les présentait au public, s’exprimait en ces termes :
« M. de Coster n’a pas cherché ses modèles hors de chez lui : c’est là un grand bien, un élément de force et de talent. Qu’il continue donc à peindre sa patrie : l’âme du poète n’a vraiment chaud qu’au foyer paternel et n’est vraiment à l’aise que là où elle a vécu, aimé et