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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/611

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lui devant l’industrie moderne, et cette mort de la forêt communique à la mort de l’homme une grandeur épique.


V. — M. DE CUREL ET LE THÉÂTRE CONTEMPORAIN

Si tels sont les rares mérites de M. de Curel, comment expliquer qu’il ne se soit jamais imposé complètement au grand public et que le jugement même de ses admirateurs demeure parfois incertain ?

Cela tient d’abord au choix de certains sujets : celui des Fossiles a quelque chose de monstrueux ; la donnée de l’Amour brode est singulièrement déplaisante, pour ne pas dire plus.

D’autre part, la force concentrée des passions est plus sensible à la lecture qu’à la scène ; et quand, finalement, elle éclate, sa brusque explosion surprend et déconcerte. De même, quand de la sécheresse du cynisme brutal, un Michel Prinson passe à l’ardeur oratoire, à l’effusion lyrique, le spectateur prend pour une disparate ou une contradiction ce qui est une évolution trop rapide. L’ironie encore, si chère aux héros de M. de Curel et même à ses héroïnes, refroidit la sympathie des spectateurs comme elle paralyse les expansions des personnages.

Aussi bien, il y a dans cette œuvre, par ailleurs si solide, — les expositions sont le plus souvent admirables de vigueur et de netteté, — d’étranges faiblesses. J’ai dit quelles sont, à mes yeux, la valeur et la portée du dénouement dans le Repas du lion. Mais la signification n’en apparaît pas avec une clarté suffisante, le conflit semble s’y rétrécir, et l’on s’explique que ce cinquième acte ait été parfois supprimé. Et quelle déception ne nous réserve pas, dans l’admirable Coup d’aile, l’invention saugrenue d’Hélène Froment ! Comment cette petite personne avisée n’a-t-elle pas compris que ce vol d’un drapeau ne pouvait même pas aboutira un scandale, bien loin de l’exposer, elle, au moindre danger ? En tout cas, l’échec de sa tentative lui enlève tout intérêt ; et quand, après de superbes envolées, nous retombons à des puérilités, la lourdeur d’une telle chute nous laisse irrités autant que meurtris.

Ajoutez la rudesse de certaines plaisanteries surtout maniées par des femmes, l’application de quelques-uns des personnages à prolonger sur eux-mêmes une analyse froidement exaltée et