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possible, en contemplant les ruines accumulées par les Huns dans la portion de notre territoire qu’ils ont envahie, et où ils ont anéanti un nombre incalculable de bâtiments et d’installations industrielles. Il faudra que d’immenses capitaux soient mobilisés dans le reste de la France et peut-être chez nos alliés, pour réédifier ces constructions, pour y rapporter des machines, des instruments, des stocks de matières premières, des approvisionnements de toute sorte. Si ces malheureuses régions étaient abandonnées à elles-mêmes, elles ne pourraient vraisemblablement jamais se relever du désastre qui les a frappées ; ou, si elles le pouvaient, ce ne serait que grâce au capital épargné et mis de côté en lieu sûr. par un certain nombre de leurs habitants, et qui serait sans doute encore insuffisant à réparer le mal. Il faudra que le reste du pays et d’autres parties du monde concourent à cette œuvre de rénovation.

Qui donc, en présence de cette situation, pourrait mettre en doute l’utilité du capital et ne pas reconnaître les bienfaits dont il est la source ? Quelle éloquente réponse à ceux qui en contestent la nécessité ! Deux ou trois millions de Français cesseraient demain de vivre s’il n’existait pas !

Il est de coutume, dans certains milieux, de déblatérer contre lui, de l’accuser d’être l’auteur d’une foule de maux dont il est parfaitement innocent et de prétendre trouver le remède dans un bouleversement de l’ordre existant. Nous avons en ce moment une idée de ce que pourrait être une société soumise à ce régime en voyant ce que les bolcheviks essaient de faire de la Russie. Nous disons « pourrait être » : car en réalité, une société ne saurait exister sans capital. Celui-ci est la condition même de toute organisation. Aussi longtemps qu’il n’est pas formé, les hommes vivent à l’état primitif, c’est-à-dire en cherchant à s’assurer au jour le jour la satisfaction de leurs besoins élémentaires, sans être jamais certains d’y parvenir. Et encore peut-on ajouter que cela n’était possible qu’aux époques antiques, où une faune et une flore abondantes suffisaient aux appétits du petit nombre d’hommes qui existaient à la surface du globe. Comment concevoir seulement l’alimentation de centaines de millions d’êtres humains, au XXe siècle de notre ère, sans l’accumulation préalable des installations de tout genre, des instruments de travail, sans les réserves de semences qui procurent les récoltes annuelles ?