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1870 : la guerre actuelle en est encore la fatale conséquence : les traités de 1815 sont la racine du mal terrible dont souffre l’Europe.

Cependant, les Prussiens, en nous prenant Sarrelouis, Sarrebrück et leur banlieue, ne se placèrent pas seulement, comme la Sainte-Alliance, au point de vue militaire et stratégique : ce fut aussi pour eux une affaire d’intérêt commercial et économique. Ils savaient d’avance, — sans en rien dire au cours des négociations, — le parti avantageux qu’ils pourraient tirer du bassin bouiller et industriel de Sarrebrück. Leurs agents secrets les avaient avertis et renseignés. On a constaté bien souvent qu’à côté de la diplomatie officielle, des conseillers occultes opèrent dans l’ombre et mènent les personnages de chancellerie qui ne sont que les interprètes et les exécuteurs des plans qu’ils trament dans la coulisse.

L’historien ne rencontre pas leurs noms dans les documents diplomatiques, c’est à d’autres sources qu’il faut puiser pour définir leur rôle et mesurer la portée de leur action parfois déterminante. En 1815, il y eut à côté des plénipotentiaires du roi de Prusse un de ces meneurs clandestins qui forma le projet d’enlever Sarrebrück et Sarrelouis à la France et de se faire octroyer, en récompense, la direction de l’exploitation des mines de la Sarre, dès que le pays appartiendrait à la Prusse. Ce personnage, cause efficiente de la forfaiture diplomatique qui fut accomplie au détriment de la France, s’appelait Henri Böcking.


II

Fut-il, durant le Premier Empire, avant les événements de 1814, un agent secret au service de la Prusse, dans le pays rhénan ? Certains indices nous portent à le croire, comme on le verra tout à l’heure. Marchand et industriel à Sarrebrück, membre du Conseil municipal, s’occupant de politique, il affectait au dehors le plus grand attachement à la cause française qu’il avait embrassée avec une tapageuse ardeur. Il était né le 1er juin 1785, à Trarbach, sur la Moselle, à mi-chemin entre Trêves et Coblence. Il était le quatrième des quatorze enfants d’un marchand de cette localité, Adolphe Böcking, qui se livrait aussi à de petites opérations de banque. Après ses