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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/878

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se sourient, s’embrassent et caressent tendrement le petit bonhomme gambadant. Et voici finalement, dans de pauvres verres posés dans des moulures de métal, le thé à la menthe, fumant et sucré, et les petits croissants aux amandes saupoudrés de sucre. A moitié assoupis, nous dégustons en silence le repas que l’on a mis si longtemps à préparer, et la nuit tombe sur Fez lorsque enfin nous remontons les rues escarpées vers notre palais.


III

Une fin de journée sans nuages flamboie sur la grande capitale du sud.

Du haut du palais du Grand Vizir, où nous sommes montés pour voir l’Atlas neigeux éclairé par les derniers rayons du soleil, on nous montre un autre palais, émergeant de jardins ombrageux : c’est celui du Caïd que nous devons visiter demain.

Autour de nous s’étendent à perte de vue les toits de la ville. Sur leurs terrasses nous voyons paraître des groupes de femmes on robes claires, des enfants suivis de négresses affairées. A nos pieds s’étendent les terrasses du Mellah ; là, les toilettes des femmes sont plus voyantes, plus bariolées, et l’on voit à la lueur du couchant l’éclat de leurs lourds bijoux, colliers, fibules, immenses boucles d’oreilles circulaires frangées de perles. Plus loin, d’autres groupes plus pâles, des draperies mauves et vieux rose, déjà estompées par la brume dorée qui flolte sur la ville ; et toutes ces nuances se confondent, se séparent, se recomposent en de nouvelles harmonies, dans le va-et-vient perpétuel des femmes libérées un instant de leurs cloîtres moroses.

Autour de la ville l’immense cercle de l’oasis, le tapis bleu-vert et luisant des dattiers, se déroule vers l’Atlas étincelant. Entre l’oasis et les murs rouges, il y a un frémissement de feuillage argenté : ce sont les grandes oliveraies du Sultan, qui s’étendent jusqu’aux portes de la ville. Çà et là, plus près de nous, des minarets revêtus de faïences vertes, d’où tombe le mélancolique appel à la prière ; et, au milieu de la ville, s’élevant au-dessus des coupoles et des minarets comme en un coup d’aile superbe, l’immense, l’aérienne Koutoubia qui est la gloire de l’Islam.