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La fabrication du trinitrocrésol, du trinitroxylène, de la dinitronaphtaline, de presque tous les autres explosifs brisants nous conduirait à des remarques analogues relatives à l’emploi des bains sulfonitriques.

Quelle est la conclusion de cette rapide inspection de l’arsenal des poudres et des explosifs qui sont et qui font toute la guerre actuelle ? Cette conclusion, dont la monotonie même de cet examen convergent souligne éloquemment l’importance. Je voudrais la donner en paraphrasant un mot de Danton : Pour vaincre les ennemis de la Patrie que faut-il ? De l’acide sulfurique, encore de l’acide sulfurique, toujours de l’acide sulfurique !

À ces nécessités chimiques qui étaient pour elle des nécessités vitales, comment la France a-t-elle pu dès 1914 faire face pratiquement ? C’est ce que je voudrais montrer maintenant, en utilisant à la fois les données qui ont été déjà publiées dans des documents officiels et celles qu’a bien voulu me communiquer la Compagnie de Saint-Gobain, dont le rôle dans cette crise fut prépondérant. Ce me sera une agréable occasion de rendre la justice qu’elle mérita à cette grande industrie française vieille de 250 ans, et où s’est manifesté et se manifeste utilement chaque jour tout ce qu’il y a chez nous de hardiesse créatrice et de largeur de vues.

Je le ferai avec d’autant plus de plaisir que j’estime nécessaire, non seulement pour la prospérité générale du pays, — pour les raisons que je dirai, — mais, d’un point de vue qui m’est un peu plus personnel, pour l’intérêt des recherches scientifiques, le libre et vaste développement des œuvres qui, comme Saint-Gobain, attirent vigoureusement, pour la féconder, et créent de la richesse. Si Rockfeller n’avait pas, aux États-Unis, pu réaliser sa puissante centralisation de l’industrie pétrolière, il n’y aurait pas d’Institut Rockfeller : Carrel n’aurait pas pu faire ses admirables recherches sur la transplantation de la matière vivante, créer sa belle méthode chirurgicale de guerre, faire fleurir toutes ces créations de son cerveau qui n’avaient pas trouvées ici un terrain assez riche pour les y semer ; Lœb n’aurait pas réalisé ses étonnantes expériences sur la fécondation, sur l’origine et la nature de la vie, de l’instinct. Si Carnegie n’avait pas fait ce qu’a fait Rockfeller dans un autre domaine du monde économique, il n’y aurait pas d’Institut Carnegie : nous connaîtrions moins la terre, les étoiles, toutes les merveilles émouvantes de l’univers ; la physique, le magnétisme terrestre, l’étude du soleil, toute la science serait diminuée de ce qu’elle a pu acquérir grâce à lui,