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manifestations franco-wallonnes, qui ont eu lieu avant les hostilités, comme des attentats contre notre neutralité ? Le mauvais exemple étant contagieux, les ingérences des ministres de l’Empire provoqueraient celles des ministres des nations amies. Impossible de contenter tout le monde ; aussi la vie du peuple belge et de son gouvernement serait-elle intolérable entre les reproches des uns et les exhortations des autres. La belle paix, calme et réparatrice, que cela nous ferait !

Un sentiment très noble parle enfin contre la neutralité obligatoire, plus haut que les critiques dont elle est l’objet. Les Belges, — ceux du moins dont je crois traduire la pensée, — ont conscience d’avoir fait leur devoir, tout leur devoir pour la cause de la civilisation et de l’humanité. Ils ont payé de leurs souffrances et de leur sang le droit d’être complètement indépendants vis-à-vis des autres nations, sans aucune réticence, sans aucune diminution.

Ils ne voudraient pas qu’après Liège, après les victorieuses mêlées de l’Yser, leur pays retombât dans la situation politique inférieure, dont il avait été obligé de se contenter avant la crise formidable, d’où son existence sortira forte et incontestée. Plus de tutelle des grandes Puissances déguisée sous un masque juridique ! Ce que ces Belges réclament, ayant affirmé hautement la virilité de leur patriotisme, n’est après tout que le droit commun à tous les peuples libres, petits et grands. Songe-t-on à imposer une neutralité quelconque à la Hollande ? Elle aussi garde le cours de larges fleuves et contrôle un secteur de la mer du Nord, champ de bataille des Anglo-Saxons et des Teutons. Nous avons droit au même traitement et a la même indépendance que les Néerlandais, les Scandinaves, les Balkaniques, et les autres ; peu importe que leur vie nationale soit plus ancienne ou plus récente que la nôtre.


Autant j’estime que nous ne devons pas renoncer pendant la guerre au bénéfice moral de la neutralité religieusement observée et faire ainsi plaisir à l’Allemagne, autant je voudrais que notre pays ne restât pas après la paix prisonnier de ce régime, qui s’est montré insuffisant, comme beaucoup de créations merveilleuses de la diplomatie. Mais je reconnais volontiers qu’une question aussi grave, dont la solution