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engagera l’avenir de la Belgique ne peut être tranchée que par notre Parlement. Je pense même qu’elle ne saurait l’être, sans que l’opinion publique belge ait été pressentie et librement consultée. Comment y parvenir ? Un silence de prison pèse sur le territoire, étroitement gardé, où une nation de sept millions d’âmes dépérit enfermée. Les appels qui s’en échappent par-delà une barrière de fer, — celui, par exemple, des ouvriers belges qui ne veulent pas d’une paix allemande, — confirment la volonté inflexible de ce peuple de souffrir jusqu’au bout pour son indépendance.

C’est pourquoi le rôle qui reviendra à notre gouvernement au Congrès de la paix me paraît des plus simples : d’accord avec la France et l’Angleterre, qui ont exécuté, comme la Belgique, les prescriptions du traité de 1839, dénoncer l’article de ce traité relatif à notre neutralité ; revendiquer pour notre pays le droit absolu de fixer lui-même son statut international ; repousser fermement toute tentative de le lier de nouveau à la neutralité par des chaînes conventionnelles.

Est-ce à dire que la Belgique aspire à jouer un rôle actif dans la politique européenne ? La Belgique ne désire que la paix et la sécurité, pour panser ses plaies, remettre en marche son industrie, frayer de nouvelles routes à son commerce. La politique loyale et pacifique, qu’elle a toujours observée sous le couvert de la neutralité, elle n’entend pas s’en départir, lorsqu’elle pourra respirer en pleine indépendance. Une déclaration, portant à la connaissance du Congrès que la Belgique suivra après la signature de la paix la même politique qu’avant la guerre et entretiendra avec les autres nations des relations empreintes du même esprit de droiture qui a toujours inspiré la conduite de son gouvernement, ferait justice des basses calomnies dont elle a été abreuvée et serait une assurance donnée à tous de sa fidélité à ses traditions pacifiques. Qui pourrait douter de sa parole et refuser de prendre acte de sa déclaration ? L’Allemagne. Mais incapable d’imposer ses conditions comme de faire croire à ses mensonges, elle serait seule à ne pas vouloir s’incliner devant la loyauté de la Belgique, qu’elle a été seule aussi à contester.

Que si d’aventure le peuple belge penche pour une neutralité nouvelle, qui ne pourrait être que volontaire et librement proclamée, à lui de se prononcer en toute indépendance par