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français en matière administrative pendant une période qui se prolongea jusqu’en 1878. L’administration du pays s’en trouvait, d’ailleurs, simplifiée. Mais les constituants de 1830 avaient l’esprit trop juste et trop libéral pour consacrer cette prédominance dans notre pacte fondamental. Bien au contraire, ils proclamèrent l’égalité linguistique et mirent la liberté des langues au nombre de celles qu’ils inscrivirent au fronton de notre Constitution.

Peu à peu l’apaisement s’était fait entre la nation belge et son ancienne associée, qui avait voulu être sa tutrice. Aucun danger ne menaçait plus notre indépendance du côté de la Hollande. On assiste alors, vers le milieu du siècle dernier, au réveil de l’esprit flamand ; il se manifeste dès l’abord par une abondante floraison littéraire. Bientôt le mouvement s’étend et s’amplifie ; il se propage dans les rangs inférieurs de la bourgeoisie et du clergé ; il envahit le prolétariat des villes et les masses paysannes ; il recrute des chefs enthousiastes chez les hommes de lettres et les jeunes intellectuels, fonde des journaux, des revues, des théâtres, crée des ligues littéraires et des associations flamingantes. Bref, il devient une force, une puissance, avec quoi les partis politiques doivent compter. Les catholiques l’accaparent dans les campagnes, mais, pour la conquête des grandes villes, il se partage entre eux et leurs adversaires, libéraux et socialistes. Les trois partis ouvrent leurs programmes à ses revendications, et leurs députés s’unissent pour les faire triompher des résistances parlementaires.

C’était le moment où, en d’autres pays de l’Europe parlant plusieurs langues, avait lieu une renaissance analogue. En face de la langue d’Etat, et souvent en hostilité avec elle, revivaient ou s’insurgeaient les idiomes régionaux. Le caractère distinctif d’anciennes provinces, membres séculaires de grandes communautés, aimait à s’affirmer par le culte renouvelé de leurs dialectes. Des nationalités opprimées cherchaient à se consoler, en conservant avec amour, comme une flamme inextinguible, leur langage populaire. Enfin les petits peuples libres s’efforçaient à l’envi d’enrichir le fonds de leur littérature indigène ; ils ne se contentaient plus des productions toutes faites, prêtes à être traduites, que leur expédiaient les centres littéraires de l’étranger. Le phénomène de la résurrection linguistique, avec les conséquences qu’il entraîne dans une vie nationale, n’est