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FRA GUIDO


Fra Guido naquit au Val de Viterbe
Dans les temps d’effroi, d’ire et de superbe
Des barons de fer, des bourgs de granit.
Un jour qu’il jouait, dans la populace,
Le Père François passant sur la place,
Voyant ses yeux purs rit et le bénit.

Dans l’été suivant, il se mit en marche,
Franchit la Province et vint dans la Marche
Frapper au Logis de Soffiano.
Comme il était simple et de peu de lettres,
On ne lui laissa que les soins champêtres ;
Il ornait la ruche et gardait l’agneau.

Lorsqu’il fut sorti de l’adolescence,
Il alla quêter par obéissance :
Il cherchait les nids dans chaque buisson,
Il comptait les fleurs sur chaque pelouse ;
Comme il atteignait le lac de Pérouse,
Un homme passa, portant un poisson.

Guido l’arrêta : ses mains réjouies,
Saisissant la tanche aux fines ouïes,
Firent scintiller le dos de métal.
Il la caressa contre sa poitrine,
Puis, lui rappelant la merci divine,
Il la rejeta dans le lac natal.

Ensuite, il revint à son monastère.
On le vit, dès lors, rêveur solitaire,
Errant au jardin, nu-tête et déchaux,
Ou bien écoutant, au seuil des cellules
Les frelons bruire, ou les libellules
Crisser dans les soirs transparents et chauds.