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sang-froid un choc violent. Pellé jette en renfort à ses lieutenants tout ce qu’il a de réserves. Il le fallait : si notre ligne fléchit sur Thiescourt, à droite du Piémont, comme sur Plessis-de-Roye, à gauche, le Piémont est en grand péril, — bastion essentiel de la défense.

Mais si l’ennemi était maître du vaste parc de Plessis, le 97e y avait fait telle résistance que les Allemands y restaient comme épuisés par leur succès, trois de leurs régiments (le 97e avait combattu a un contre trois) y tourbillonnaient, presque tous leurs officiers supérieurs y ayant été tués, leurs bataillons très éprouvés, leurs cadres rompus. Le général d’Ambly était par-là autorisé à espérer beaucoup d’une contre-attaque qu’il préparait. Mieux que personne, il comprenait la grandeur de sa mission. « La position occupée, écrivait-il à ses chefs de corps, est la principale de l’armée ; la division a pour mission d’en assurer l’intégrité absolue. Tout élément de terrain qui viendrait à être perdu devra être immédiatement contre-attaqué. »

Déjà l’ennemi, cherchant à déboucher du Parc, y était rejeté, et le colonel Fournier, commandant l’infanterie de la 77e, s’apprêtait à venir le chasser du parc même.

A seize heures, le Piémont lui-même fut attaqué. Mais la 53e division contre-attaquait sur la droite et repoussait l’ennemi, et, à ce moment même, après une forte concentration d’artillerie sur le Plessis, le général d’Ambly lançait ses hommes sur le parc. Ce fut une action magnifique : le célèbre régiment d’infanterie coloniale du Maroc y jeta un de ses redoutables bataillons qui soudain fit brèche, appuyé par des éléments du 97e et du 236e, tandis que le 56e chasseurs attaquait de son côté. En une heure, le parc était assailli, en partie cerné, finalement enlevé avec 800 prisonniers et après une telle lutte, que huit jours après on n’avait point fini d’ensevelir les morts. Le Piémont dégagé devenait inattaquable, et la ligne de défense, — après cette formidable attaque, — restait intacte et nous savons aujourd’hui combien l’assaut avait coûté à l’ennemi. Dans un ordre du général commandant la 2e division bavaroise, saisi au cours de la dernière offensive, on lit « ce Piémont, mont de sinistre mémoire (Berüchliste Berg) contre lequel était venu se briser (zerschellen) l’élan du 30 mars. »

A gauche, la défense avait été plus pénible, moins heureuse,