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endolori, vous requinque. Ne plaignons pas Sévigné outre mesure ; ne plaignons par les révolutionnaires au martyre : ils croient qu’ils ont raison. Mais réservons notre sympathie apitoyée pour Mlle de La Vergne. Ce ne sont pas ses idées ni ses passions politiques qui l’ont menée à la retraite angevine. Elle était de famille docile, attachée à la cour. Elle avait, dans les environs de la cour, les appuis de sa jeune destinée et son espérance. Elle paye assez cher l’honneur d’avoir un beau-père fameux dans l’opposition. Comment subit-elle cette avanie du hasard et quelle est son humeur ?

Excellente ! Il faut qu’on lui en sache gré. L’abbé Arnauld — le fils aîné de M. d’Andilly, charmant et qui, après avoir connu les libertins et les dévots, garda de l’aménité pour le prochain — la vit alors. Il avait trente-sept ans et, voyageant, trouva la société très agréable dans la province d’Anjou. M. de Fourilles était gouverneur de la ville et du château d’Angers. La marquise de la Porte, une Brissac, était la personne la plus considérable par la qualité ; d’autres dames n’avaient pas moins de mérite : « On n’aura pas de peine à me croire, quand je compterai de ce nombre Mme de La Fayette, qui, n’étant encore que Mlle de La Vergne, avait déjà tous ces talents acquis et naturels qui la distinguent si bien aujourd’hui parmi toutes les personnes de son sexe. Elle était avec Mme sa mère… » Mais, de Mme sa mère, l’abbé Arnauld ne dit rien, sinon qu’elle avait épousé depuis peu M. de Sévigné, auparavant chevalier de Malte. Et il vit encore à Angers la marquise de la Troche, la Trochanire de Mme de Sévigné la veuve, amie gênante par trop de jalousie affectueuse, amie parfaite cependant et qui savait les potins Bref, l’exil angevin n’est pas une telle solitude qu’on n’y rencontre une compagnie. Mlle de La Vergne brillait dans cette compagnie. Nous le saurons de nouveau par un bonhomme assez ridicule, assez drôle si l’on n’en prend qu’un peu, M. Costar.


ANDRE BEAUNIER.