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LES
NOUVEAUX RICHES

« On se plaint à Paris de n’y voir que de nouveaux riches, qui mettent l’enchère sur les loyers des maisons, de sorte qu’on n’en trouve plus du tout à louer. On ne voit dans les rues que des équipages remplis de gens ci-devant inconnus, ou qu’on a vus dans les postes les plus bas. Ce sont tous gens des vivres, des fourrages, des hôpitaux ou autres entreprises militaires, où ils ont eu trop a gagner. De quoi l’on s’en prend à mon frère, qui n’a fait qu’enchérir sur les Paris dans cette habitude ruineuse de favoriser des gains excessifs, de peur que le service ne manque. »

C’est sous Louis XV, le 4 avril 1751, que d’Argenson, ministre des Affaires étrangères, consignait dans ses Mémoires les réflexions qui précèdent. Les « nouveaux riches, » contemporains de la victoire de Fontenoy, auxquels il fait allusion, mallôtiers, partisans, intermédiaires indispensables qui tondaient les peuples d’assez près pour la gloire de ces guerres de magnificence du XVIIIe siècle, — « guerres en dentelles » à nos yeux, — étaient de tout autre taille, plus voyants et surtout moins nombreux que les nôtres.

Ceux d’aujourd’hui se comptent par centaines de mille, voire par millions, et appartiennent à toutes les classes sociales. Au quartier des Gobelins, rue des Cinq-Diamants, — dont tous les habitants réunis ne possédaient peut-être, pas hier