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Car, si l’amour en songe a fait trembler sa bouche
Et palpiter son cœur de se sentir aimé,
Elle est plus purement et tendrement farouche
Qu’une fontaine close en un jardin fermé.

C’est pourquoi laissez-la, lumineuse colombe,
Traverser d’un vol doux vos lourds soirs orageux
Et rêver longuement à la feuille qui tombe
Loin de la rose ardente où s’acharnent vos jeux.

Laissez-la s’éloigner et, le doigt à la tempe,
S’asseoir, silencieuse et pudique Psyché,
Pour qui ne luira pas la flamme de la lampe,
Près de la source sombre où le Dieu s’est penché.


INVOCATION


Absence, te voici ! Sur ta face lointaine
Le regret et l’attente ont empreint leur pâleur ;
Tu portes à ton front la couronne d’ébène
Et tu tiens à la main le spectre d’une fleur.

Debout, demi-vivante, en tes voiles rigides,
Tu restes immobile et peu riant n’es plus là,
Et tu regardes, de tes yeux graves et vides,
La rose dont au loin le parfum s’envola.

Tu parles, et nul mot ne vibre en le silence ;
L’écho ne répond pas au nom que tu redis,
Et si parfois s’allège un instant ta souffrance,
C’est que tu te souviens des heures de jadis.

Salut ô toi ! Les jours en cendre dans ton urne
Mélancoliquement s’effeuillent un à un ;
O toi, toujours lointaine et toujours taciturne,
Qui rends les cœurs sans joie et les fleurs sans parfum !