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APOLLON ET DAPHNÉ


Quand la Nymphe eut senti l’écorce protectrice,
De la nuque au talon, l’enserrer peu à peu
Et que l’abri vivant du feuillage complice
Eut enfin délivré son corps rebelle au Dieu,

Apollon ravisseur, devant Daphné ravie
Au lumineux désir qu’elle avait évité,
S’arrêta, contemplant avec mélancolie
Le vert laurier promis à l’immortalité ;

Puis, baissant tristement sa tête sans victoire,
On vit le Dieu pleurer dans l’ombre, le front lourd,
Car que vaux-tu, Laurier, si la main de la gloire
N’a pas cueilli la feuille au soleil de l’Amour ?


DÉCOR


Palazzo Vendramin al Carmini…

Le Palais Vendramin est près des Carmini…
Le soleil du matin caresse sa façade,
Qui se mire au rio, couleur d’ambre ou de jade,
Où le ciel tour à tour s’éclaire ou se ternit.

Un étroit escalier monte à ses chambres basses
Dont les murs aussi bien que les plafonds sont peints
Et où viennent à nous, du fond des vieilles glaces,
Des visages fanés avec des yeux lointains.

Venise, et son passé somptueux et baroque,
Toute Venise, en baüta è tubaro,
En ce décor galant se prolonge et s’évoque
Quand le pas au pavage y réveille l’écho.

Au sommet du miroir qu’encadre la rocaille,
L’Amour, son arc en main, rit dans un médaillon
Aux beaux stucs dédorés qui parent la muraille
Où rôda un lézard courbe et vote un papillon ;