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Aussi, quelles que soient leur origine, fortune et condition, tous les enfants de la commune y pourront venir avec confiance, qui plus tard ne seront pas paysans, mais maçons, avocats, charpentiers, écrivains, épiciers, artistes, parlementaires, ministres. Un bain de paysannerie, réalité concrète et riche, est nettement salutaire au départ de l’intelligence. Plus d’un, pour l’avoir pris, en porte toujours la marque heureuse.

On n’attend pas de nous que nous exposions aujourd’hui le programme de cette réforme. Le moment viendra quand, la bataille ayant cessé de découdre, il faudra recoudre. Des gens qualifiés interviendront alors, qui mieux que nous à ces affaires s’entendent : si quelques idées, sorties non des livres, mais de l’observation minutieuse des faits, dans leur grossièreté et leur finesse, sans crainte du patois, ni des jurons, ni de l’odeur des étables, en sympathie profonde avec la spiritualité cachée des choses, peuvent intéresser les réformateurs, nous ne leur refuserons pas les nôtres…

En ce moment, et pour terminer, nous voudrions simplement montrer que rien d’utile ne sera fait, si l’on n’apporte à l’entreprise une pensée très libre, très large, très souple, infiniment de bonne volonté, de sincérité. Si l’éducateur veut être décidément l’ami de la terre, il lui faut un clair regard et un ferme courage, celui d’accepter un ordre nouveau des valeurs de l’âme.


Il y a cinq ans, nous avons posé devant l’école la question de la vocation paysanne. Nous la posons de nouveau avec plus de force et de précision que jamais, à cause de la détresse dont la terre est menacée, et aussi plus d’espoir. On a vu que la guerre a mis du nouveau dans l’âme des jeunes paysans : pourquoi n’en aurait-elle pas mis dans celle de l’école ? L’un a été visible tout de suite ; l’autre ne sera sensible que peu à peu. Au fond le véritable obstacle à la réforme souhaitée est moins dans certaines difficultés secondaires, qu’on aperçoit nombreuses, que dans l’esprit général dont est animé tout notre effort d’éducation nationale, un intellectualisme sévère, par cela même exclusif et ombrageux. Or, avant la guerre, cet intellectualisme perdait déjà du terrain : loin de le regagner, depuis qu’elle est déchaînée, il en aura perdu davantage. Le