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REVUE DRAMATIQUE


Au CONSERVATOIRE : Concours de tragédie et de comédie.


Les concours du Conservatoire, pour la tragédie et la comédie, tels qu’ils se présentent aujourd’hui, n’ont plus aucun rapport avec ce qu’on appelait jadis de ce nom. Ils ont encore l’air d’exister, mais ce n’est qu’un air. Les changements qu’on y a apportés équivalent à leur suppression. Le mal, cette fois, ne vient pas de la guerre. Il date du jour où le Conservatoire a été transféré de la rue Bergère à la rue de Madrid : les concours se sont perdus en route. Avec eux ce n’est pas seulement un peu du pittoresque de nos mœurs théâtrales qui a disparu, c’est un des meilleurs soutiens de notre art dramatique qui a fléchi.

Ce qu’étaient les concours de jadis dans la salle pompéienne de la rue Bergère, on l’a conté mille fois. Nul thème ne fut plus parisien, nulle matière ne fut plus admirable à mettre en chroniques éblouissantes. On décrivait ces salles bondées où s’entassait, par un miracle de compression, un public d’artistes, d’écrivains, de journalistes et de parents d’élèves. On raillait la fièvre qui régnait dans une atmosphère surchauffée beaucoup moins par l’étouffante chaleur que par l’ardeur des passions. Après quoi, pour humilier gentiment les lauréats les plus acclamés et les convaincre de la fragilité de leurs couronnes, on évoquait le souvenir de quelques-uns de leurs aînés qui, après d’étourdissants succès d’école, avaient connu les pires déboires et fini dans d’obscures tournées de province. Et cela parfois était très spirituel, mais était un peu moins intelligent. Cela n’atteignait pas le fond des choses. Ce qu’on ne disait pas, c’était la forte conviction dont tous étaient animés, l’intime certitude que « c’était arrivé, » le souci du métier, le respect de l’ouvrage bien fait.