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avait écrit pour lancer les Orientales une le note préface, « superbe réclame, » qu’il n’avait pas voulu signer. « Il convient… que des initiales quelconques seraient nécessaires, écrit Hugo à l’éditeur… Il faudrait donc deux lettres, ou mieux encore le nom en toutes lettres de quelqu’un, qui le voudrait bien[1]… » Mais personne ne prête son nom, et le « prospectus » paraît signé au hasard E. T.[2]. Le procédé n’était donc pas nouveau en 1834, mais que la situation était différente !

Sainte-Beuve, d’ailleurs, a noté quelque part[3]que, pendant les quinze années de collaboration active et continue à la Revue des Deux Mondes, il eut maintes fois à faire des articles, « impersonnels et collectifs… » « des articles ou morceaux faits pour d’autres, et quelquefois signés par d’autres, » — et voilà l’histoire de la note académique confirmée… Il remarque aussi que « la lettre du vieux ami de province, » citée dans l’article de George Sand sur Maurice de Guérin[4], est de lui. Il y a bien d’autres exemples, et on pourrait les multiplier aussi bien pour la Revue des Deux Mondes que pour la Revue de Paris.

C’est par Hugo que Sainte-Beuve fut mis en relation avec la Revue des Deux Mondes. Au début de la fondation (en avril 1831), le directeur vint demander au poète des Orientales sa collaboration, et celui-ci l’engagea à frapper aussi à la porte de Sainte-Beuve ; d’ailleurs, Hugo écrivit à son ami :

«… Permettez-moi de vous adresser M. Bulos[5], directeur de la Revue des Deux Mondes, recueil qui se régénère et qui serait bien puissamment rajeuni si vous vouliez y coopérer. M. Bulos, qui, je crois, vous plaira beaucoup, désire vivement vous entretenir de cette affaire.

« Faites pour lui, je vous prie, tout ce que vous pourrez[6]… »

Aussitôt à la Revue, Sainte-Beuve s’applique à servir le grand homme ; sa reconnaissance, qu’on a niée, se manifeste,

  1. Victor Hugo après 1830, Biré, vol. I.
  2. Voir le chapitre que M. de Lovenjoul consacre à la préface des Orientales. M. de Lovenjoul prétend que ces deux lettres seraient les deux dernières des nom et prénom d’Amédée Pichot.
  3. Table générale et analytique des Causeries du Lundi, p. 40.
  4. Id„ ibid.
  5. Le nom de Buloz est souvent écrit par les contemporains avec un s.
  6. Correspondance de Victor Hugo.