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si utiles auxiliaires. « Si on découvrait la crête de nos collines, disait M. Hanotaux en 1915, on s’apercevrait sans doute qu’elles ne sont que de puissantes taupinières. » C’est du flanc de ce massif qu’ont été extraits les moellons énormes avec lesquels ont été bâtis non seulement les célèbres basiliques qui, à Reims, Soissons, Laon, enferment ce pays en un triangle mystique, mais tant d’églises, d’abbayes, de monastères, de châteaux, monuments de la piété chrétienne ou de la guerre féodale, mais les fermes massives et les maisons même des paysans qui, dans le Laonnais, le Soissonnais, ont un aspect facilement monumental. Des tours de Reims au donjon de Coucy, tout a jailli de ce fond. D’ailleurs, la richesse du sol, — autant que les ressources du sous-sol, — permettait aux plus modestes de bâtir : « sur le limon roux » dont parle Vidal La Blache, le blé a toujours été beau et toutes les cultures prospères. De grandes fermes s’étaient fondées dès le moyen âge, centres de culture opulente (la ferme Hurtebise est citée dès 1185 sous le nom de Vetus Hurtebise, vieille Hurtebise, dans le cartulaire de l’abbaye de Vauclair). En revanche, les eaux, en se taillant partout passage, dit Vidal La Blache, à travers les sables et argiles de l’étage inférieur de l’éocène, « n’ont pas seulement créé de larges et fécondes vallées, entretenant une végétation épaisse et drue d’arbres et d’herbes ; » les eaux que laissent filtrer les calcaires des plateaux et les sables des pentes se rassemblent dans le lit des vallées pour nourrir des marécages. « On voit ainsi, au Sud de la montagne de Laon, s’allonger jusqu’à Anizy-le-Château, une ligne d’anciens marais qui a contribué à renforcer la position stratégique de l’ancienne cité épiscopale. » Ceux de nos soldats qui, le 26 octobre 1917, atteignaient le fond de la vallée de l’Ailette, savent si le géographe écrit vrai.

Des pentes abruptes, des fossés marécageux, des galeries souterraines, faciles à agrandir, des tunnels, des chemins profonds, un dédale de vallons encaissés, dans tous les temps pareil pays a constitué une forteresse naturelle où les hommes devaient être tentés d’installer leur résistance à l’ennemi qui les cherchait. Par surcroit, de la pierre et du bois en abondance, éléments de défense encore, de la barricade à la muraille. Nous verrons les conséquences. Notons dès maintenant ces détails si gros de destinées.