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lucratif. — Quant à des représailles, l’Allemagne, de son aveu même, n’en a aucune à sa disposition. Elle ne peut priver les Alliés d’aucune substance : la potasse, pour laquelle elle détenait son seul monopole, devant revenir en partie à la France par la réintégration de Mulhouse. Devant de tels avantages, les difficultés d’exécution qui existent, et que nous ne dissimulerons pas, ne doivent pas nous arrêter. Ces difficultés pourraient sembler prohibitives s’il s’agissait d’une situation destinée à durer. Mais, pendant une courte période d’après-guerre, qui sera en fait une prolongation de la guerre, nous serons tous prêts à sacrifier des commodités, des avantages, des intérêts ou même des principes, comme si la guerre continuait, à la défense indispensable de notre pays.

Pour comprendre comment la situation se présente et comment les Allemands eux-mêmes la conçoivent, combien ils se sentent menacés par cette « arme économique » et comment ils comptent se défendre, il suffirait de citer les nombreux discours récents où leurs orateurs ont affirmé la nécessité d’obtenir « des conditions avantageuses de paix économique. » La thèse a été résumée dans un discours prononcé le 16 mars 1918 par M. Helfferich, l’ancien vice-chancelier chargé du travail de réorganisation économique de l’Empire : « Si la paix, a-t-il dit, ne nous rend pas au dehors ce que les ennemis ont pris et saboté, si nous ne recouvrons pas la liberté entière de travailler, la liberté d’action pour notre esprit d’entreprise dans le monde, le peuple allemand est battu et devient un impotent pour un temps indéfini. Nous devons encore conquérir une paix dont nous avons besoin : une paix économique en première ligne. C’est la dernière lutte la plus dure. A ceux qui veulent établir contre nous des différences, nous répondons en demandant la clause de la nation la plus favorisée et l’égalité de traitement. A ceux prononçant des exclusives, nous répondons par le principe de la porte ouverte : la liberté des mers. A la menace de nous refuser les matières premières, nous répondons en demandant qu’on nous les livre. » Le problème est ainsi nettement posé sur son vrai terrain qui est, en définitive, avant tout, un terrain militaire. L’Allemagne prétend briser, par la force de ses armes, le nœud coulant qu’elle sent déjà passé autour de son cou. Si ces armes devaient, en effet, obtenir un tel succès, tous nos raisonnements