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l’article de l’Empereur comme ceci : « Napoléon, journaliste français… »

A Lodi, en 1796, Bonaparte cessa, — et c’est lui-même qui l’a dit, — de « se regarder comme un simple général » et se sentit un homme qui « influerait sur le sort du peuple. » C’est à ce moment que lui vint le souci de l’opinion publique, à ce moment qu’il entrevit l’importance des journaux, l’utilité ou l’inconvénient d’une presse dirigée bien ou mal. Et, de Milan, le 26 août, il écrit au Directoire. Il se plaint des « absurdités » que les journalistes de Paris publient quotidiennement sur le compte du roi de Sardaigne : ces « coups de plume écrits sur des ouï-dire et sans mauvaise intention, » dit-il, « nous font grand mal. » Et il lance cette idée : « Peut-être serait-il bon qu’un journal officiel insérât un article qui démentit ces bruits absurdes et ridicules. » Le Directoire avait un journal à sa disposition, le Rédacteur. Mais c’était un pauvre journal et qui n’imposait pas le silence à l’opposition royaliste ou révolutionnaire, très ardente contre le Directoire et son général. Bonaparte fit passer aux directeurs ce petit article : « Comment pourra-t-on espérer la liberté sans révolution, selon le juste désir de Bonaparte, si ceux qui sont chargés de l’établir trahissent impunément ses intérêts ? Nous avons déjà des Cazalis, des Maury, qui bravent le juste ressentiment des patriotes indignés de lire, au lieu des actes majestueux de l’Assemblée libératrice de l’Italie, les subtilités, les sophismes d’avocats payés pour soutenir la prepotenza de quelques individus et perpétuer l’avilissement du plus grand nombre. Ils veulent nous enchaîner une seconde fois pour prix de leur avoir confié l’auguste mission de fonder une seule nation de plusieurs peuples comprimés par la tyrannie et à qui la fortune présente la liberté. » Le Directoire défendait mal son général, laissait la presse d’opposition l’attaquer avec fureur. Ces journaux parvenaient à l’armée d’Italie.

Pour se défendre, Bonaparte eut recours à ce stratagème. Il adressait au Directoire ses réponses. Et qu’en faisait le Directoire ? Mais lui, Bonaparte, en Italie, les imprimait sur des feuillets qu’on distribuait aux régiments.

Le 15 juillet 1797, il écrit au Directoire : « L’armée reçoit une grande partie des journaux qu’un imprime à Paris, surtout les plus mauvais. Mais cela produit un effet tout contraire à celui qu’ils se promettent : l’indignation est à son comble dans l’armée… Je vois que le club de Clichy veut marcher sur mon cadavre pour arriver à la destruction de la République… Faites briser les presses des journaux