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si heurté, avec ce « cerveau lumineux, pétri de rayons et d’idées, d’où les images sortaient, bourdonnant comme des abeilles d’or[1]. » Il faut toujours en revenir au rapide croquis de Th. Gautier : personne n’a mieux esquissé l’image de Henri Heine. « À la fois gai et triste, sceptique et croyant, tendre et cruel, sentimental et persifleur, classique et romantique, Allemand et Français, délirai et cynique, enthousiaste et plein de sang-froid, tout, excepté ennuyeux. C’était vraiment l’Euphorion, enfant de Faust et de la belle Hélène. » Le charmant portrait !

Le nom de Henri Heine commence à paraître dans la Revue en 1832, avec des Récits d’excursions aux Montagnes du Harz, — et le Tambour Legrand[2]. C’est aussi l’époque où Heine connut la Belgiojoso. Il est impossible de séparer leurs noms alors. On a dit qu’il la rencontra pour la première fois chez le général de La Fayette[3], et peut-être, en effet, leur situation politique d’exilés les rapprocha-t-elle d’abord, mais bientôt, la politique fut un élément très secondaire dans l’affection de Heine, qui disait à la bulle Christina : « Vous êtes la personne la plus complète que j’aie trouvée sur la terre. »

La princesse Belgiojoso exerça sur l’esprit et la vie de Heine une influence profonde, une excellente influence. Heine exilé, — ou exilé volontaire, — au début, peu connu en France, protégé par cette femme belle et célèbre, lui fut redevable de mille choses qu’il ignorait… L’amitié vigilante de la « Principessa » l’introduisit dans une société choisie, où il rencontra Thiers, Mignet, Augustin Thierry, Ary Scheffer, A. de Musset, Victor Cousin, Chenavard, etc. ; et la culture du poète, semblable sans doute à celle de son pays, toute neuve, comme il l’a écrit lui-même, et « sentant encore le vernis, » que ne gagna-t-elle pas au contact de celle de cette patricienne ? Non seulement la Princesse l’aida de façon effective par ses relations, en obtenant pour lui, de Thiers, sur les fonds secrets, une pension de 4 800 fr. que Guizot, en 1840, continua de lui faire servir, mais elle devint « la confidente des mouvements de son cœur », car la première déception une fois passée, — déception causée par son échec amoureux auprès d’elle, — il éprouva à son égard

  1. Th Gautier.
  2. Reisebilder.
  3. Ramson Whitehouse.