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Cet antique ermitage de Font-Romeù ne se compose pas seulement de la chapelle virginale. Celle-ci n’occupe qu’un seul côté d’un grand quadrilatère, dont les autres sont bordés par des corps de bâtiments destinés aux pèlerins et aux voyageurs. Comme le sanctuaire, ils ont été reconstruits et agrandis vers le milieu du XVIIIe siècle. C’est l’ordinaire bâtisse de ce pays, la maison trapue faite de grosses pierres grises entassées et couverte d’ardoises. Sur toute une façade règnent des arcades surbaissées, par où l’on accédait sans doute à des écuries, où le voyageur pressé attachait sa mule ou son cheval, et qui pouvaient même fournir un abri momentané à des visiteurs surpris par l’orage.

En prolongement d’un de ces corps de logis se trouve le bâtiment très modeste, sans aucun signe extérieur, qui abrite la piscine de la Vierge : simple chambre carrée, aux murs tout nus, avec un bassin quadrangulaire, où se déverse l’eau de la source miraculeuse et où l’on descend par quelques marches très étroites. Cela ressemble à tous les lavoirs de village. Seulement, les jeunes filles qui sont ici ont coutume d’y effeuiller des roses et d’y jeter des gerbes de fleurs cueillies dans la prairie ou dans la forêt. En face de la porte d’entrée, une niche toujours enguirlandée, où sourit une Vierge rubiconde, dorée et diadémée. Autour de la niche, en exergue, cette inscription qui serait presque païenne : AQUA BALNEUM SALUTIS, si l’on n’avait ajouté au-dessous : SALUS INFIRMORUM, ORA PRO NOBIS : « Cette eau est un bain salutaire. — Vous qui sauvez les infirmes, priez pour nous ! »

Voilà tout le décor et tout le mobilier. Néanmoins, cette chambrette sans apparence et comme reléguée à l’extrémité des bâtiments est peut-être encore plus visitée que l’oratoire. D’innombrables inscriptions griffonnées sur les murs en témoignent. Ces inscriptions sont quelque chose de fantastique par leur foisonnement, par leur acharnement. Comme une gigantesque toile d’araignée, elles étendent leurs réseaux non seulement sur toutes les parois, où il n’y a pas un pouce resté intact, mais jusqu’à la voûte qu’elles auront bientôt recouverte. Tout le Midi pyrénéen, de Montpellier à Barcelone, a laissé ici sa carte de visite. Les noms catalans surtout