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Impressionnabilité qui l’a jetée parfois dans des crises et des traverses dangereuses, lui fit éprouver avec une vivacité singulière le bienfait de cette force neuve, quasi primitive, qui se mettait à son service. La France, qui avait déjà supporté le poids de quatre années de combats sanglants, connut une sorte de renouveau.

Grâce à la politique du commandement qui s’était attaché avant tout à réaliser la soudure des effectifs, l’armée française longtemps ménagée, bien en main, confiante en ses chefs, avait traversé avec une admirable vaillance les épreuves de ces deux mois. Ceux qui l’ont vue à ce moment critique pourront témoigner qu’elle n’a pas cessé de garder l’attitude et de conserver l’âme d’une armée victorieuse. Bien plus, ces deux mois de guerre de mouvement l’avaient dérouillée. Le fantassin français allait retrouver les qualités naturelles d’initiative et d’élan que son adversaire avait acquises par un entraînement intensif.

D’après des indications de prisonniers, nos ennemis, en attaquant le 27 mai, avaient limité leurs objectifs à la conquête des plateaux au Sud de la Vesle et à la prise de Soissons et de Reims. Appuyés sur ces deux villes et en possession de la voie ferrée, ils obtenaient des facilités de rocade vers l’Est, tout en maintenant un front à peu près horizontal ; d’autant que, par une opération secondaire ultérieure, ils devaient s’aligner sur la transversale Montdidier-Compiègne-Soissons et supprimer ainsi le saillant qui se creusait dans leurs lignes au Nord de l’Aisne et rendait leur dispositif vulnérable.

Plus tard, ils pouvaient en avançant de nouveau tantôt une épaulé, tantôt l’autre, reprendre leur progression vers le Sud jusqu’à ce que Paris fût ou abandonné ou placé à portée de leurs batteries lourdes.

La facilité de leurs succès au Sud de l’Aisne amena une modification soudaine de leur plan. Les troupes reçurent l’ordre de profiter de l’occasion, de pousser jusqu’à la Marne et de couper ainsi la voie ferrée de Château-Thierry. C’était ajouter aux avantages du plan précédent, celui inestimable de nous fermer une voie indispensable pour le ravitaillement de nos troupes et leur transport vers l’Est. La suite des opérations de nos ennemis se trouvait singulièrement aidée par la gêne nouvelle qui en résultait pour nous, mais il était imprudent de leur