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magnifiques troupes continueront à repousser le formidable assaut des masses ennemies, jusqu’à ce que nos adversaires se rendent compte qu’ils ne peuvent pas nous anéantir, et jusqu’à ce qu’ils soient également disposés à une entente. » La voix, imprécative et implorative, tremble un peu. Comme le comte Hertling est le doyen du Centre, et comme il parle, en l’occurrence, aux délégués de la Fédération des associations d’étudiants catholiques, le couplet finit par une adjuration : « Ce jour viendra, parce qu’il faut qu’il vienne. Il n’est pas possible que l’Europe se saigne à blanc et que la civilisation européenne périsse dans la misère et la barbarie. Nous prions le Tout-Puissant, qui, jusqu’à présent, nous a si visiblement assistés, de daigner faire que ce jour ne soit pas attendu trop longtemps. »

Aurait-on touché juste en annonçant, d’après certains symptômes, que l’ère des « Discours à la nation allemande » allait bientôt s’ouvrir ? Certes, le comte Hertling n’est pas Fichte, et il se peut qu’il n’y ait pas, à cette heure, de Fichte en Allemagne. Mais prenons-y garde. C’est une vantardise de dire qu’une armée allemande, persuadée qu’elle se bat pour ses foyers, « ne sera jamais vaincue. » Ni trois fois « jamais, » ni même une fois « jamais. » Elle le sera. Mais ce dont nous devons, nous, être très persuadés, c’est qu’elle ne le sera que difficilement, et qu’une Allemagne, faisant une guerre qu’elle croit défensive, ne cesse pas d’être une Allemagne redoutable, où la ruse vient au secours de la force défaillante. Les Alliés se sont promis d’aller « jusqu’au bout; » encore est-il qu’il faut qu’ils sachent où est « le bout, » et qu’ils n’y sont point arrivés. C’est devant eux, une nouvelle campagne qui se présente, avec ses risques et ses périls.

Pas plus en ce cas qu’en aucun autre, nous ne nous permettrions une hypothèse stratégique qui excède notre compétence, mais voici une hypothèse politique qui ne nous paraît ni absurde ni même particulièrement osée. Supposons qu’un jour, — nous ne savons pas quand, — les Allemands se retirent sur une des positions de Hindenburg, — Siegfried ou Wotan, — nous ne savons pas où; que, par cette retraite, qu’ils ne manqueront pas, selon leur habitude, de présenter comme volontaire, ils obtiennent un raccourcissement sensible de leur front qui leur rendra, dans la pénurie de leurs effectifs, le moyen de la consolider en profondeur; qu’à force de travaux, tranchées, réseaux, abris, nids de mitrailleuses, constructions de batteries grosses et moyennes, ils en fassent, pour la défensive, une sorte de réduit très résistant et, à l’assaut, presque inviolable. Alors, ils