Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre des Allemands. En « déménageant » le matériel de nos usines, ils ont voulu nous obliger à leur en racheter un autre. Cette conception folle leur semble toute naturelle. Dans une petite ville de la Somme, à Nesle, la veille de leur fameux « repli stratégique » de mars 1917, ils brisaient toutes les presses d’un imprimeur, après les avoir utilisées pendant la période d’occupation. Et ils laissaient sur le bureau de celui qu’ils tentaient ainsi de ruiner, le catalogue illustré d’une maison de Cologne où il serait possible de retrouver tous les appareils détruits !


III

Quel a été l’effet de la propagande organisée par la Gazette des Ardennes dans les régions envahies ?

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les textes mêmes publiés par le journal allemand, pour constater que le résultat de tant d’efforts a été nul. Nous avons dit que les kommandanturs avaient exercé une pression sur les notables de chaque agglomération un peu importante, pour les décider à alimenter la « Gazette régionale » de la feuille de Charleville. Or, les Français ont refusé d’obéir à ces impérieux appels. La « Gazette régionale » ou plus simplement la « régionale » de la Gazette des Ardennes a été rédigée par des Allemands dans un lourd pathos que le directeur du journal, le renégat Prévost, n’avait pas toujours le droit de corriger et qui fourmille de germanismes. Ainsi, le 29 octobre 1916, le « correspondant » d’Hirson raconte qu’un « grand avocat » de Berlin, mobilisé et séjournant chez un fermier, aurait dit à celui-ci, en prenant congé : « Bien de mes respects à la madame ! » Et le fermier déclarait, tout ému, au « correspondant » : « Avez-vous remarqué combien pour l’habitant sont éminents les soldats qui le coudoient ? »

Un autre (10 avril 1916), rendant compte des changements survenus dans la situation de certains Lillois, déclare : « Ils sont tombés dans le paupérisme. » — Nous pourrions multiplier ces exemples : ils trahissent le véritable accent des correspondants casqués du renégat Prévost.

Ceux-ci cherchent d’abord à faire accepter leur présence. Un soi-disant pharmacien de Saint-Michel (Aisne) écrit, le 7 janvier 1916 :