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Je ne suis pas un journaliste, mais simplement un vieux pharmacien venu à Saint-Michel au début de la guerre. Qu’il me soit permis d’abord, mes chers compatriotes, de vous faire une remarque que vous avez certainement faite vous-mêmes. Depuis le commencement de la guerre, vous avez eu à loger des soldats allemands (officiers, sous-officiers et soldats). Eh bien ! avez-vous eu à vous plaindre quelquefois de la conduite de ces hommes à votre égard ? Votre réponse, je la connais à l’avance. Sans hésiter, vous me répondrez : « Non ! Les soldats allemands sont des hommes comme nous. Ce sont, pour la plupart, de bons pères de famille, de bons patriotes, qui ont fait à l’avance le sacrifice de leur vie, pour l’amour et la gloire de leur patrie. Duke et décorum est pro Patria mori ! »


M. Schmilzer, marchand de cuirs à Leipzig, ne prend pas garde que ce « pharmacien français » de Saint-Michel commence par dire qu’il n’est pas du pays et qu’il finit par un éloge de la patrie allemande.

Le 23 janvier 1916, d’une commune des Ardennes arrive le compte rendu d’une fête organisée par les autorités militaires. Le « discours » suivant aurait été lu par une fillette de dix ans :


Monsieur le commandant, quand nous aurons le bonheur de revoir nos chers absents, nous serons heureux de leur raconter qu’ici, comme sans doute partout, nous n’avons pas été malheureux avec les Allemands, mais qu’au contraire les enfants n’ont jamais reçu tant de petits cadeaux que pendant la guerre.


De Bethenyville (Marne), un autre correspondant assure que « ceux qui occupent le village sont des réservistes mariés, qu’ils aiment beaucoup les enfants et qu’ils leur donnent des friandises. » Le 6 février 1917, le « correspondant » de Camphin-en-Pévèle (Nord) publie un petit tableau de vie agreste :


Chaque matin, vers sept heures, heure allemande, les domestiques des fermiers ou ces derniers eux-mêmes vont au château de M. le comte de Brigodc où est installée la Commandanture… Depuis deux ans que nous vivons au milieu des soldats allemands, nous avons appris un peu leur langue… Il n’est pas rare de les voir partager avec les mioches chocolats, biscuits, etc. Aux grands, ils offrent des cigares, cigarettes, tabac : cela se passe comme si on était de vrais camarades.


A Conflans-en-Jarny (Meurthe-et-Moselle), on a célébré les fêtes de Noël 1916. Mais le compte rendu de ces fêtes n’est