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possession des bâtiments du culte ; mais le seul culte catholique pour lequel l’Etat fit des dépenses demeurait toujours le culte « national, » là où il se prolongeait. Les catholiques romains payaient donc le budget des cultes pour entretenir les restes d’une Eglise catholique nationale qui n’avait plus qu’un troupeau minuscule. « Il y aurait peut-être quelque iniquité, déclarait hautement M. Lachenal, l’un des chefs du parti radical, à ce qu’un tel régime durât pour nos concitoyens catholiques romains. » Seul, un statut nouveau des Eglises pouvait abréger ce malaise ! à la séparation, les catholiques n’avaient rien à perdre, puisqu’en fait depuis 1873 aucun lien effectif ne les unissait plus à l’État.

Il y avait deux façons d’abolir l’injustice flagrante dont souffrait le culte romain : ou bien supprimer le budget des cultes pour toutes les confessions, ou bien décider que l’Etat genevois subviendrait à l’entretien de toutes les Eglises au moyen d’un impôt spécial, levé sur leurs adhérents respectifs, et dont les autres contribuables pourraient se faire exempter. Le député catholique Fontana, qui savait la terreur qu’inspirait à certains patriotes protestants l’idée de la Séparation, avait revendiqué, en 1905, l’égalité des catholiques avec les autres confessions devant le budget. Sa demande avait été repoussée : il ne restait donc plus, suivant l’expression heureuse qu’employa plus tard un député catholique, M. Ody, qu’à réclamer l’ « égalité devant l’absence de budget, » qu’à voter la séparation.

Pour la première fois en 1906, ce fut, non point un député, mais le Conseil d’Etat lui-même, qui, sur l’invitation de M. Henri Fazy, proposa cette solution, sous le titre de suppression du budget des cultes : pour la première fois, la proposition avait un caractère officiel. Le canton de Neuchâtel, saisi d’un projet dans ce sens, venait de le rejeter à une très forte majorité. L’heure pouvait paraître ingrate, pour tenter l’aventure à Genève. Très crânement, M. Fazy la tenta. Des séparatistes pointilleux purent trouver, en lisant son texte, que l’idée même de séparation n’était pas rigoureusement appliquée, puisque l’État continuerait d’introduire l’enseignement religieux dans l’école, puisqu’il continuerait de subventionner la Faculté officielle de théologie. Le projet de M. Henri Fazy n’était pas une œuvre de logicien, c’était une œuvre d’homme de gouvernement, désireux de mettre au service de la tolérance et de l’équité