Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout, lui, les groupements chrétiens composés d’âmes pures, et vraiment spirituelles ; le souci de réaliser, dans un vieux cadre ecclésiastique, une sorte d’unanimité factice, lui eût assurément déplu. Il avait dit un jour : Mon œuvre, si j’en ai une, sera de restaurer en secret quelques âmes profondes. De telles dispositions l’eussent assez peu qualifié, pour le travail sommaire et volontairement superficiel qu’allait impliquer la réorganisation de l’Eglise nationale. Il fallait, pour cette besogne, des hommes d’opportunisme. Voulait-on prolonger l’Église nationale, ou bien disséminer les âmes dans un chaos d’Eglises libres ? Telle était la question. Le vœu de tous, c’était de prolonger une église, et une seule ; sur cela on était d’accord, mais sur cela seulement.

Dix-neuf notabilités, désignées par le Consistoire, par la Compagnie des pasteurs et par les Conseils de paroisse, s’efforcèrent d’élaborer un premier projet pour étouffer les causes éventuelles de désunion. A défaut d’un programme dogmatique ou canonique, la Commission des 19 eut cette préoccupation. Ce fut là, plus nettement encore, le programme déjà Constituante qu’élurent le 9 mai 1908 3 200 citoyens protestants sur 11 736 inscrits : cette assemblée, chargée d’organiser l’Eglise, tenait d’autant plus à l’union, que ses séances étant publiques, elle se sentait plus regardée. Dès le début, le pasteur Ferrier faisait entendre ces graves paroles :


Ceux d’entre vous qui, par leurs exigences ou leurs intransigeances, acculeraient une des fractions du protestantisme genevois, quelle qu’elle soit, au schisme, ceux-là porteraient devant l’histoire et devant Dieu une effroyable responsabilité. Ce n’est pas au moment où le monde religieux a de toutes parts les yeux fixés sur Genève, où l’on se demande partout avec anxiété si l’individualisme protestant est capable de constituer une grande Église, à la fois large et croyante, large et une, que nous allons compromettre cette expérience, dont la répercussion sera universelle, par une aveugle intransigeance.


Il fut décidé que l’Eglise, même séparée de l’État, même évincée par son antique conjoint, continuerait de s’appeler l’ « Église nationale, » et qu’on ne chercherait pas à organiser, sur les ruines de la vieille Eglise de Genève, une série de groupements-religieux, hospitalisant les âmes suivant les nuances de leur Credo. Certains rêvaient d’une Église de « professants, » de « pratiquants, » où l’on se ferait inscrire par un acte de