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reconstruction budgétaire blâmée comme inopportune par certains esprits, d’ailleurs mal inspirés, qui nous paraissent préférer, comme Gribouille, un pire mal à un moindre. Est-il admissible que, quand tout le monde se restreint, l’Etat seul ignore les restrictions ? Qu’il majore ses dépenses anciennes, quand l’avenir en annonce tant de nouvelles ? Et qu’il continue de pousser au déficit, tandis qu’il surcharge si fort l’impôt ? Le Français fera vis-à-vis du fisc tout son devoir, mais à la condition que les autorités fassent le leur vis-à-vis de lui : qu’on ne l’oublie pas, le gaspillage dans le budget n’est pas loin de légitimer à ses yeux la fraude dans l’impôt !

Si le budget de 1918 prête ainsi à de sérieuses critiques, il n’en marque pas moins un vrai progrès dans le sens de la prévoyance, de la discipline, de la clarté. C’est le retour à la règle, l’appel, — timide encore, — à la « maxime de l’ordre. » Entre l’avant-guerre et l’après-guerre, voici la liaison établie ; dans le présent affermi, l’avenir est préparé. Ne nous laissons toutefois pas aller à l’illusion de croire résolu le problème fiscal et budgétaire. Non seulement l’équilibre obtenu n’est pas encore parfait, mais nul n’ignore que les dépenses augmenteront d’une façon incalculable dans les prochaines années. Le budget de 1919 dépassera dix milliards[1], et il faudra plus d’un milliard de ressources nouvelles pour le couvrir. La dette s’accroît chaque jour, le chapitre des pensions de la guerre ne fait que s’ouvrir ; ajoutez au budget « civil » d’aujourd’hui les dépenses militaires du temps de paix (1 800 millions en 1913), ajoutez-y toutes les charges du relèvement économique et social de l’avenir : combien effrayant, si ce n’était actuellement plus vain encore, d’essayer de chiffrer un budget d’après la guerre ! Plus que jamais, l’économie la plus rigoureuse s’imposera dans les dépenses publiques ; il faudra de toute nécessité réduire au minimum les frais généraux de la nation ; administratif ou parlementaire, le gaspillage sera un crime. Et, — qui en doute ? — il faudra encore des impôts, beaucoup d’impôts. Dès

  1. 10 200 millions d’après le rapporteur du Sénat. — Aux 8 009 millions de ressources du budget de 1918 s’ajoutera, l’an prochain, une recette de 844 millions provenant de ce qu’en 1918 les derniers impôts votés, comme aussi les droits de succession et les taxes sur les paiements, n’ayant été perçus que pendant une partie de l’année, n’auront fourni au budget qu’une partie des recettes qu’ils produiront en plein l’année d’après. Il restera néanmoins une différence de 1 350 millions à couvrir, sinon davantage.