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conjonction intime, à leur unité essentielle, on commence par la capitulation bulgare, ses causes, ses conditions, ses conséquences.

Les causes : on en aperçoit de militaires, de politiques, d’économiques. Militairement, il y avait l’extrême fatigue, la défaillance de l’armée bulgare, épuisée par six années de guerre, qui ne pouvait plus, sur un front trop allongé, que tendre un cordon trop mince, et dont la maigreur eût été transparente, si cette baudruche n’avait été bourrée de foin allemand et autrichien. On se moquait de nous, lorsque, successivement ou simultanément, on signalait un peu partout, en France et en Italie, de notables contingents bulgares : il y avait peut-être çà et là quelques Bulgares authentiques qui figuraient le contingent : mais, bien loin de pouvoir secourir, la Bulgarie avait besoin d’être secourue ; et elle a fléchi aussitôt que, par impossibilité pour l’Allemagne et l’Autriche, elles-mêmes surmenées, de lui venir en aide, elle ne l’a plus été. Le mécontentement politique est né de l’amère déception éprouvée en ne recevant pour prix de tant de sacrifices que la moitié de la Dobroudja, en se voyant refuser ou marchander la seconde moitié, en constatant que les Empires du Centre ne repoussaient que mollement, ou même semblaient admettre et du moins « négociaient » les revendications ottomanes sur Andrinople; il est né de la disproportion entre le rêve et la réalité, entre l’estomac et le plat, entre l’appétit et le repas. L’Allemagne, étant partie pour conquérir le monde, la Bulgarie était partie pour conquérir la Péninsule. Elle avait, dans ce vaste dessein, haussé sa taille, gonflé ses muscles, forcé son pas, aliéné son indépendance. Elle s’était soumise à l’Allemagne, corps et biens, pour ne point parler de l’âme, au dedans et au dehors. Tant que l’affaire promit de donner des dividendes, du consentement à peu près unanime des partis, elle se tut et se résigna. Mais, dès qu’il fut avéré d’abord que ce serait à peine de l’un pour cent, puis que la liquidation serait difficile, ensuite qu’on n’éviterait pas la faillite, on vit reparaître des « socialistes, » et même, dit-on, apparaître, des «républicains, » qui se préparèrent à «exécuter» au nom de leur idéal une politique condamnée par ses résultats.

À ces motifs, spécifiquement politiques, de mécontentement s’en adjoignaient de plus particulièrement économiques, dans un sentiment de haine et de révolte contre la morgue, l’avidité, la tyrannie, l’exploitation allemandes. Par elles, par toutes les exigences allemandes, cette nation qui avait faim, et qui produisait peu, se voyait arracher le pain de la bouche. Ses ressources insuffisantes pour elle-même lui étaient brutalement enlevées et s’en allaient contribuer à