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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/17

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XVIIIe siècle trouvèrent accès auprès de ces hommes, enfermés, en apparence, dans une étroite doctrine théologique. On sait que ces idées furent particulièrement chères à l’un des plus grands représentants de la pensée américaine pendant la période de l’affranchissement, Benjamin Franklin, qui avait appris le français par lui-même, et qui, lorsqu’il vint en France, s’y trouva naturellement chez lui.

Cette influence de la pensée française eut pour conséquence de disposer les Américains, dès cette époque, à concevoir la liberté, non seulement comme un ensemble de droits que confèrent la tradition ou les Écritures, mais comme l’attribut naturel et inaliénable de tout homme en tant qu’homme ; par conséquent, comme le bien qui, selon la raison et la justice, doit être également assuré à tous les hommes, sur toute la surface de la terre. Tandis qu’émues par le traité de 1763 et par ses suites, elles revendiquaient leur indépendance, les colonies qui devaient devenir les États-Unis avaient déjà le sentiment de servir la cause de l’humanité.

Les termes mêmes de la Déclaration de 1776 en font foi. Ce n’est pas à un point de vue simplement confessionnel ou politique que les treize colonies proclament la nécessité où elles se trouvent de se détacher de la Métropole. Elles invoquent « les lois de la nature et du Dieu de la Nature. » Elles posent en principe que « le Créateur a doté les hommes de certains droits inaliénables. » Et c’est parce que tout gouvernement légitime a pour unique fonction de garantir ces droits naturels, que les gouvernants ne peuvent dériver leurs justes pouvoirs que du consentement des gouvernés.

L’une des preuves les plus touchantes de la communion d’idées qui régnait entre les Américains de la Nouvelle-Angleterre et la France libérale est l’accueil que reçut le marquis de La Fayette en 1777, origine et gage d’un culte qui devait demeurer inaltérable, et qui honore également la France et les États-Unis. Le sentiment qui animait La Fayette est exprimé, avec une simplicité émouvante dans une lettre qu’il écrivait pour sa femme à bord de la Victoire, tandis qu’il voguait vers l’Amérique : « Défenseur de cette liberté que j’idolâtre, je n’y porte que ma franchise et ma bonne volonté, nulle ambition, nul intérêt particulier… Le bonheur de l’Amérique est intimement lié au bonheur de toute