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que la capitale et les provinces avaient tressailli d’une joie folle. Les passants s’arrêtaient réciproquement et se congratulaient dans les rues. On tenait l’armistice, on touchait à la paix. C’étaient choses faites. Le Président Wilson accueillait en somme la note du gouvernement allemand. Il ne s’en était pas débarrassé, comme des séductions autrichiennes, par une fin de non-recevoir hautaine. De son côté, le gouvernement allemand lui avait fourni sans délai tous les éclaircissements qu’il souhaitait : il lui en donnait même un peu plus, mais abondance ne pouvait nuire. La seconde réponse-des États-Unis ne manquerait pas de consacrer et de sceller l’arrangement. Neuf Allemands sur dix se frottaient les mains. Seul le petit clan des pangermanistes, par dépit plus que par conviction, sans espoir profond d’un retour de fortune, boudaient et maugréaient. Là-dessus, un beau matin, qui était le 15 octobre, la réponse qu’on s’était hâté d’escompter arriva. Il serait plus juste de dire qu’un pavé tomba dans la mare.

D’un tour de main, le Président des États-Unis prenait le gouvernement allemand au piège, en le prenant strictement au mot. A son propre piège à lui, gouvernement impérial allemand, marque de fabrique prussienne, — made in Germany. — « L’acceptation sans restriction par le gouvernement allemand actuel et par une grande majorité du Reichstag allemand des conditions posées par le Président des États-Unis d’Amérique... » Aux yeux du Président Wilson, le gouvernement allemand, et le Reichstag allemand, c’est à-dire le peuple allemand, par ses organes d’État, a donc accepté, non pas comme base de futures négociations, mais en eux-mêmes ou en elles-mêmes, dès maintenant, avec tout ce qu’ils ou elles contiennent et comportent, le Dr Soif a dit « les points, » M. Wilson répète : «les conditions posées dans le message au Congrès du 8 janvier 1918 et dans le message subséquent. » Cette acceptation inconditionnelle (unqualifted acceplance) de ses conditions autorise le Président Wilson à faire connaître franchement sa « décision. » Sa décision, et non sa thèse ou son point de vue. Mais ce sont les conditions de la paix. Pour l’armistice, la question regarde les militaires et ne regarde qu’eux. C’est ce que nous avons toujours dit: «Parlez au maréchal Foch. » M. Wilson se borne à spécifier que le gouvernement des États-Unis ne pourrait acquiescer à aucune convention » qui n’assurerait pas des sauvegardes et garanties, absolument satisfaisantes, du maintien de la présente suprématie militaire des armées des États-Unis et des Alliés sur le champ de bataille. » Pas d’armistice non plus, ni de prise en considération d’une demande