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l’expression serait vraie, quoique faible, si l’Autriche-Hongrie avait jamais eu un centre; mais, parmi tant d’autres choses qu’elle n’avait pas, un centre, historiquement et politiquement, est ce qui lui a le plus manqué. Centrifuges pourtant, et avec quelle rapidité! « Les députés polonais ne reconnaissent plus Vienne pour capitale: ils sont partis pour Varsovie. Un député tchèque, ancien ministre de François-Joseph, proclame en pleine Chambre autrichienne que « l’œuvre constitutionnelle de 1867 est en ruines. » Les Slaves du Sud réclament leur unité et leur indépendance. Les partis de langue allemande se groupent pour fonder un État allemand. Le comte Tisza lui-même dit à ses amis politiques qu’il « faut assurer l’indépendance de la Hongrie. »

Nous empruntons ce résumé au Bulletin du Tempsv qui fait observer fort à propos : « Telles sont les nouvelles qu’on imprime ouvertement. Que peuvent être celles qu’on n’imprime pas! » Il y aurait bleu, d’ailleurs, de le compléter et de l’accentuer encore. À la Délégation hongroise, le comte Michel Karolyi a réclamé pour la Hongrie « une entière indépendance et l’abolition de toutes les institutions communes de la monarchie. » Mgr Korosec, président du Club yougoslave, a lu en pleine Chambre autrichienne, au nom des « représentants du peuple des Slovènes, des Croates et des Serbes, » une déclaration analogue, revendiquant, avec le droit, pour ce peuple uni, de vivre comme nation, le droit de disposer librement de son sort et d’être appelé à en décider souverainement à la Conférence de la paix. Conseil national des Tchéco-Slovaques, Conseil national des Polonais et Conseil national des Ruthènes, Conseil national des Roumains de Bukovine et de Transylvanie, Conseil-national des populations de Bosnie et d’Herzégovine. C’est ce qu’on imprime, mais ce qu’on n’imprime pas est colporté, soupçonné et connu quand même. Troubles, commencement d’insurrection, menace de révolution à Prague; grèves et démonstrations dans les villes, brigandages dans les campagnes livrées par une police anémique à des bandes de déserteurs; séditions dans l’armée et dans la flotte, comme à Cattaro, où devaient être jugés prochainement 400 marins qui avaient fait rébellion. Parmi toutes ces nations, où est, non pas la nation autrichienne, — il n’y en a jamais eu, — mais où est l’Empire? La soi-disant monarchie des Habsbourgs n’est plus même une dyarchie, mais une anarchie. On conçoit parfaitement qu’il lui soit apparu comme le salut d’essayer de s’arrêter dans sa chute au cran d’une polyarchie. De là, en tant que provoqué par des considérations d’ordre