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intérieur, le Manifeste de l’empereur Charles « à mes peuples autrichiens fidèles. » — « Il faut, leur dit-il, entreprendre sans retard la réorganisation de la patrie sur des bases naturelles, donc solides. » L’Autriche doit devenir, conformément à la volonté de ses peuples, un État confédéré dans lequel chaque nationalité formera sur le territoire qu’elle habite son propre organisme constitutionnel. » Le procédé n’est pas nouveau : François-Joseph s’en est servi après chacun de ses malheurs, après 1859, après 1866; après chaque bataille, après chaque province perdue, il était pendant quelque temps question de transformer l’Empire en État fédératif. Et toujours, la tempête passée, on se hâtait de n’y plus penser. Toujours aussi les Hongrois, en haine et terreur des éléments slaves, travaillaient rageusement à faire avorter le dessein. C’est pourquoi le Manifeste du 18 octobre n’est adressé qu’aux « peuples autrichiens. » L’Empereur espérait amadouer la Hongrie en l’exceptant. Il l’exceptait positivement : « Ce nouvel état de choses, qui ne porte aucune atteinte à l’intégrité des pays de la sacrée couronne de Hongrie, doit garantir à chaque État national, individuellement, son indépendance. » D’autres points litigieux sont réservés : « Cela ne veut pas dire qu’on touche déjà à la question de l’union des territoires polonais d’Autriche avec l’État polonais indépendant. — La ville de Trieste, avec tout son hinterland, a, conformément aux désirs de sa population, une situation à part. » Cette situation à part, on la connaît dans le droit public de la monarchie depuis des temps immémoriaux : Trieste l’a eue dès 1382; c’est aussi celle de Fiume par rapport à la Hongrie; et c’est une absurdité, un monstre juridique, hypocrisie ou non-sens : séparé, mais annexé : Separatum sacræ regni coronœ adnexum corpus.

Dans son ensemble, le Manifeste, fait de concessions, de réticences et de reprises, est comme s’il avait été écrit des deux mains, la main gauche effaçant aussitôt ce que venait de tracer la main droite. Il sue la peur jusque dans les circonstances qui en ont entouré la promulgation. L’Empereur fait appel à la collaboration de ces Conseils nationaux qui ne se cachent pas de vouloir lui arracher non pas seulement ses pouvoirs, mais ses États. Il en est au surplus dédaigneusement repoussé. Les Tchèques refusent d’écouter. Le président du Conseil hongrois, M. Wekerlé, renouant les bonnes traditions magyares, s’écrie : « Puisque l’Autriche s’organise sur la base fédérale, nous nous plaçons sur le terrain de l’union personnelle ; nous organiserons en conséquence notre politique, au point de vue économique et au point de vue de notre défense, d’une façon autonome et indépendante. »