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les troupes sforzesques à Fornoue, et du cardinal Federigo, si fort qu’il soulevait aisément dans ses bras le pesant pape Alexandre VI.

Galeazzo s’était fait connaître, d’abord, dans les tournois comme le jouteur le plus redoutable. A la Giostra des 23 et 24 septembre 1489, à Milan, il avait rompu dix-neuf lances, puis jeté son adversaire à bas de son cheval, au milieu des acclamations de tout un peuple. Toujours, dans tous les pays, il retrouva le même succès. Mais les passes d’armes n’étaient point son seul prestige. Il n’imitait nullement, en ce point, son frère Fracasse, à qui Catherine Sforza conseillait de se faire huiler comme une armure et enfermer dans une armoire, en temps de paix, n’étant, comme les armures, bon à quelque chose qu’à la guerre. Galeazzo se distinguait, au contraire, par son esprit, son charme, son exquise politesse et ses bonnes lettres, aussi capable de donner la réplique à Léonard de Vinci qu’à croiser le fer avec Pietro Monte. C’est par-là, surtout, qu’il gagna le cœur de Ludovic le More, et qu’il devint son gendre d’abord et ensuite le commandant en chef de son armée.

Enfin, il montra des aptitudes diplomatiques. Lorsqu’il fallut envoyer, à Lyon, un ambassadeur qui décidât Charles VIII à passer les Alpes, le More n’hésita pas à choisir Galeazzo. Après les diplomates de profession, qui n’avaient réussi qu’à nouer des intrigues, il voulait qu’apparût une espèce d’archange, propre à entraîner les hésitants, mettre en fuite les traîtres, éblouir le Roi. Beau, jeune, élégant, la langue dorée et le bras invincible, l’époux de Bianca Sforza semblait, plus que tout autre, propre à cet emploi transcendant. Et, en effet, il s’y surpassa. Avant le jour qui lui était fixé par le protocole pour faire son entrée solennelle, il pénétra dans Lyon, sous un déguisement, afin de profiter d’une heureuse conjonction des astres, vit Charles VIII en secret et lui plut tout de suite.

Le lendemain, ce fut bien mieux encore, quand il parut au milieu des princes et des gentilshommes de la garde du Roi, les mains chargées de présents : des parfums pour le Roi, des robes à l’espagnole pour la Reine. Une longue file de coursiers, de genêts le suivaient, pour remplir les écuries de la Cour. Et quand on le vit entrer dans les lices et courir la lance, ce fut un délire. Il n’y eut plus, au camp français, d’autre sujet pour les bavards. Les ambassadeurs ne