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tarissaient pas sur la faveur marquée au nouveau chevalier. Celui du More, Belgiojoso, lui écrivait : « Le Roi Très Chrétien, s’étant retiré dans son particulier, avec quelques-uns des siens et plusieurs de ses maîtresses, il fit introduire ledit soigneur Galeas. Après quelques propos agréables, il prit par la main une de ces demoiselles, disant qu’il voulait la lui donner pour maîtresse, puis il en choisit lui-même une autre et chacun d’eux resta en conversation avec la sienne pendant deux heures. » À cette nouvelle, le beau-père ne se tient pas d’aise : « D’après ce que nous apprennent beaucoup de lettres et en particulier la vôtre du 24, répond-il à Belgiojoso, les grands honneurs que le Roi Très Chrétien fait chaque jour à Messer Galéaz, notre gendre et fils, tels que de l’introduire dans ses appartements et de l’associer à tous ses plaisirs domestiques, bien qu’ils ne dépassent pas noire al tente, n’en sont pas moins de nature à nous causer la plus grande satisfaction et à exciter chez nous une reconnaissance infinie. »

Malheureusement, quand il fallut conduire des armées, le tacticien, en lui, ne se montra pas l’égal du courtisan, ni du diplomate. Il fut, malgré des prodiges de valeur, outrageusement battu par son rival Trivulce. Il devait, il est vrai, le retrouver plus tard auprès du roi de France et le battre, à son tour, sur le terrain plus favorable des intrigues de Cour. Mais cette revanche tardive ne releva pas sa réputation auprès des graves arbitres qui font l’opinion posthume. Il reste avéré que le plus beau, le plus séduisant et le plus brave des frères San Severini, toujours victorieux en champ clos, ne connut guère sur le champ ouvert des batailles que des défaites, — jusqu’au jour où il sauva l’honneur des armes françaises dans une défaite encore, mais une défaite glorieuse, à Pavie. Aussi, malgré les grandes charges militaires dont il fut investi, durant presque toute sa carrière, si l’on veut se représenter, au naturel, l’époux de la petite Bianca, c’est d’un cavalier servant qu’il faut faire le portrait, ou plutôt on n’a qu’à regarder celui qu’il trace de lui-même dans la lettre suivante écrite à Isabelle d’Este, le 19 février 1491 :


Ce matin, je suis parti à dix heures, à cheval, avec la duchesse et toutes ses dames pour Cussago, et afin que votre Altesse soit pleinement au courant de nos divertissements, je vous dirai qu’avant tout