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30 août.) — « Le nom de Hindenburg, à lui seul, vaut, pour nous, une armée ; il a, à l’étranger, le son de notre épée ; il représente, pour nous et nos alliés, un capital de confiance et de victorieuse assurance qu’on n’a pas encore eu besoin d’entamer. » (Tæglische Rundschau, 30 août.)

Tous les journaux de toute l’Allemagne expriment la même allégresse, la même confiance, et leur unanimité reflète l’unanimité du peuple. Cette fois la presse a directement traduit l’opinion publique. Depuis longtemps, l’Allemagne souhaitait que Hindenburg prît la direction de la guerre. Des bruits fâcheux couraient dans le public ; on parlait de dissentiments et de rivalités entre certains généraux ; on accusait Falkenhayn, sinon d’avoir voulu la désastreuse aventure de Verdun, du moins de l’avoir permise par complaisance pour le kronprinz ; on lui prêtait aussi des visées politiques, on contait qu’il ambitionnait de remplacer Bethmann-Hollweg ; bref, il était impopulaire. Mais n’eût-il pas excité toutes ces défiances, la décision de l’Empereur eût soulevé la même allégresse dans tout l’Empire. Il y avait déjà deux années que le nom de Hindenburg était devenu pour tous le symbole et le gage de la victoire.


En 1914, après une carrière honorable mais sans éclat, le général von Benckendorff und Hindenburg menait à Hanovre la vie de l’officier retraité. (Hanovre est une cité paisible où beaucoup de militaires allemands viennent passer leurs vieux jours, comme les nôtres à Versailles.) La guerre déclarée, il se mit à la disposition du ministre. Il attendait sa lettre de service et ne voyait rien venir, lorsqu’un jour il reçut une dépêche lui annonçant sa nomination au commandement de l’armée de l’Est. Il eut à peine le temps de faire remettre en état son équipement et ses vieux uniformes. Un train spécial venait le chercher avec un des plus brillants officiers de l’armée, Ludendorff, qu’on lui avait donné comme chef d’état-major. Hindenburg avait été désigné pour ce commandement, parce qu’il connaissait particulièrement la Prusse orientale et avait souvent dirigé des manœuvres dans les régions des lacs Masuriques ; ses camarades ne l’appelaient que le « Masurique ; » mais le public ignorait son nom, et, le jour où parvint à Berlin la nouvelle de la victoire de Tannenberg, il y eut, dans les