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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/327

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barre de grosses rides sous des cheveux coupés courts ; les moustaches se frisent et se relèvent ; une épaisse broussaille de sourcils voile à demi le regard perçant de petits yeux gris ; « la vraie tête d’un homme d’action, d’un guerrier solide et robuste, mais en même temps une vraie tête d’Allemand fortement caractérisée, les traits nerveux d’un portrait de Durer ou de Holbein. » Et un autre de ses biographes : « Un homme taillé dans le même bois que Luther et Bismarck, dans du bois de, chêne. » Le caractère germanique de la stature et de la physionomie s’accuse dans tous les portraits de Hindenburg ; il éclate aux yeux.

On le dit simple, sérieux et rude. On parle beaucoup de sa bonté. On en parle pour expliquer sa tactique : dès qu’une des armées recule, c’est que Hindenburg veut épargner le sang des soldats. On en parle aussi pour justifier les pires atrocités : les raids des zeppelins sur Londres, dit-on, n’ont rien que d’humain, puisqu’un homme de la bonté de Hindenburg les approuve ; et de même, le jour où Hindenburg approuvera la guerre sous-marine sans merci, cela prouvera qu’elle est devenue légitime. Les reporters admis à sa table rapportent avec émotion qu’il est doué d’un excellent appétit, il boit sec et fume beaucoup. Il s’exprime à la vieille mode et, sans se soucier des édits pangermanistes, émaille ses discours d’expressions tirées du français. Il aime à conter d’interminables histoires de chasse. Il déclare qu’il ne va jamais dans les expositions parce que, « à son goût de soldat, il n’y trouve pas de batailles convenablement peintes. » On lui prête des calembours, d’innocents jeux de mots : « Les généraux russes sont-ils vraiment tücktig (capables) ? — Je ne sais, je ne les ai jamais vus que flüchtig (en fuite). » Ce personnage de reître faux-bonhomme est tout à fait selon le cœur des Allemands.

A l’éclat des victoires remportées par Hindenburg et au prestige de son masque, il faut encore ajouter l’influence d’une publicité savamment organisée par le clan pangermaniste : bios graphies populaires, reportage, illustrations, cartes postales. statues de bois, etc…

Telles sont les raisons, pour ainsi dire extérieures, de l’immense popularité de Hindenburg, mais elle a des causes plus profondes.

L’Allemagne divinise en Hindenburg la force militaire de