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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/388

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généraux demandaient une répression. Mais dans les grades inférieurs, le sentiment était tout contraire. La seule critique qu’on pût relever consistait à dire que le général n’avait été qu’un peu imprudent.

A Berlin, on témoignait de moins d’indulgence. A un bal de cour, le vieux Guillaume exprimait à l’ambassadeur de France son très vif mécontentement. Ce qui venait de se passer était interprété par lui comme une preuve du relâchement de la discipline dans l’armée russe et d’un affaiblissement dans l’autorité personnelle du Tsar. Il y voyait un symptôme de la désorganisation de l’empire russe, qu’il considérait depuis si longtemps comme un allié, et il s’alarmait des dangers qui pourraient en résulter pour le maintien de l’amitié traditionnelle entre les deux empires. S’il eût cédé à son premier mouvement, il eût écrit à Alexandre pour lui exprimer ses alarmes ; mais Bismarck l’en avait dissuadé, en lui conseillant de ne donner officiellement aucune attention aux paroles de Skobeleff et de laisser le débat se poursuivre entre les journaux.

L’ambassadeur de Russie à Berlin, s’attendant à quelque observation de la Wilhelmstrasse, l’avait devancée en déclarant spontanément que c’est surtout à l’Empereur, son maître, que le général avait manqué et que, seul, l’Empereur devait lui en demander compte.

Abandonnés à eux-mêmes, les journaux allemands s’exprimèrent avec la dernière violence, et la campagne contre la Russie et la France se fût sans doute prolongée, si un ordre de la cour ne l’eût arrêtée, le 22 mars, anniversaire de la naissance de Guillaume Ier. Il avait reçu ce jour-là d’Alexandre III un télégramme qui, s’il eût conservé quelque rancune des propos agressifs de Skobeleff, était bien de nature à les lui faire oublier :

« L’Impératrice et moi, disait le Tsar, nous assistons de cœur à la fête de l’anniversaire de votre jour de naissance, et nous nous associons aux témoignages d’amour et de respect qui vous sont donnés. Que Dieu daigne conserver longtemps votre glorieuse vie pour le bien de l’Allemagne et dans l’intérêt de la paix européenne et du maintien des relations amicales qui existent entre nous et nos empires. »

La réponse ne se fit pas attendre et prouve tout au moins que