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exécuté. Par ordre de l’Empereur, les ministres se réunirent chez Pobedonotzef, procureur général du Saint-Synode, et décidèrent de recourir à des mesures encore plus rigoureuses que celles auxquelles on avait recouru jusque-là. Elles eurent pour conséquence de faire tomber dans les mains de la justice des officiers, des civils, des femmes et parmi elles la Finger et la Petrowska, conspiratrices infatigables, qui avaient été l’âme des mouvements nihilistes et des complots antérieurs. Traduits en cour martiale, ces malheureux y comparurent au mois d’octobre et y furent presque tous condamnés à la peine capitale.

Au cours de ces événements, s’étaient produits certains faits qui, bien que n’intéressant pas la politique générale, méritent d’être mentionnés. Quelques semaines après la rentrée de la famille impériale, on commençait à parler du couronnement, qui, suivant l’usage, devait avoir lieu à Moscou. Il n’en avait pas été question pendant l’absence des souverains, période de deuil durant laquelle il eût été inopportun de procéder à la cérémonie de leur sacre, et aux fêtes somptueuses dont elle serait l’occasion. Mais, maintenant que leur exil volontaire avait pris fin, elle ne pouvait plus être retardée et, dans le courant d’avril, il était décidé qu’elle serait célébrée le 27 mai suivant. On envoyait à Moscou les insignes impériaux et les équipages de gala. La famille impériale partait le 20 afin de précéder les ambassades extraordinaires des Puissances dont » la venue était annoncée.

En vue de l’événement, le prince Dolgorouki, gouverneur général de Moscou, prenait les précautions les plus minutieuses pour protéger la vie du tout-puissant monarque que l’ironie du destin condamnait à ne sortir jamais de ses palais avec la certitude d’y rentrer vivant. Mais, en dépit de quelques propos d’alarmistes, les inquiétudes qui s’étaient manifestées après la mort d’Alexandre II avaient perdu leur caractère aigu, tant le nihilisme semblait décimé. La police avait mis la main sur les suspects ; elle répondait de la vie de l’Empereur et aucun incident fâcheux ne troubla l’imposante solennité dont, pour la quatrième fois depuis le commencement du siècle, le Kremlin était le théâtre. Tous les États du monde y étaient représentés par des princes de sang impérial ou royal ou par d’illustres personnages.