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La France en comptait plusieurs qui dans cette assemblée eussent fait brillante figure. Le gouvernement songea au Duc d’Aumale, et ensuite au maréchal de Mac-Mahon. Des considérations politiques firent renoncer à utiliser leur prestige et le choix des ministres se porta sur l’ancien président du Conseil Waddington, choix malheureux s’il en fut. On oubliait qu’au Congrès de Berlin, Waddington avait marché contre la diplomatie russe de concert avec le prince de Bismarck, le comte Andrassy, et Lord Salisbury, souvenir qui ne pouvait le l’aire bien venir en Russie et n’était pas pour rendre plus étroites et plus fructueuses les relations du cabinet impérial avec la République. Elles n’étaient plus ce qu’elles avaient été sous Alexandre II pendant les ambassades du général Le Flô et du général Chanzy ; il était grand temps que cette situation se modifiât. Le 10 novembre 1883, la mission de l’amiral Jaurès ayant pris fin, le général Appert fut désigné pour lui succéder. C’était sous le ministère Jules Ferry.

Retraité depuis quelques mois, après avoir commandé, pour couronner sa carrière militaire, le 17e corps d’armée, cet officier général, dans les emplois confiés à son zèle, avait laissé les plus honorables souvenirs. Quinze campagnes en Afrique, en Crimée, en France pendant la guerre de 1870, constituaient ses titres à la considération dont il jouissait parmi ses pairs. Après la Commune, en sa qualité de commandant de la subdivision de Seine-et-Oise, il avait été chargé de l’organisation des Conseils de guerre auxquels étaient déférés les auteurs de l’insurrection. Il y a vingt-quatre ans, j’ai écrit en parlant de lui : « Dans ces fonctions, il ne se départit jamais d’un ferme esprit de justice et d’équité et s’il resta toujours le partisan résolu d’une répression légale, complète, son âme généreuse et croyante n’en versa pas moins sur bien des blessures une pitié consolante. Quand son œuvre fut terminée, on ne lui connaissait un ennemi[1]. »

Un tel homme devait plaire à Alexandre III. Mais un autre motif le fit choisir par le gouvernement français et agréer par le souverain russe. Mme Appert était Danoise, connue et aimée à la cour de Copenhague et très particulièrement de l’Impératrice, sa compatriote. Cette circonstance assurait au nouvel

  1. Histoire de l’Alliance franco-russe, par M. Ernest Daudet. Paris, 1894. Ollendorff, éditeur 1 vol. in-8 (Épuisé).