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rappelé de ce poste et désigné pour celui de Berlin. Son départ enlevait à la France un ami. Le général Appert fut chargé d’exprimer au gouvernement russe les regrets du gouvernement français. Les explications données par de Giers furent rassurantes. A Berlin, Orloff, comme il l’avait fait à Paris, servirait les intérêts de la paix. Il y rendrait les plus grands services. En arrivant à Berlin, il alla lui-même en donner l’assurance au baron de Courcel, ambassadeur de la République. Dans sa nomination, il n’était rien dont la France eut à s’inquiéter. Le successeur qu’on lui donnait à Paris en fournissait la preuve.

C’était le baron de Mohrenheim. Nous ne savions rien de lui, sinon qu’étant ministre de Russie à Copenhague, durant les séjours si fréquents d’Alexandre III à la cour de son beau-père, il avait gagné la confiance et l’estime de son souverain et la protection de l’Impératrice. Rien ne faisait prévoir qu’il serait un jour l’un des ouvriers les plus actifs de l’alliance franco-russe. Ce n’est qu’avec le temps que ses sentiments devaient se révéler. Mais le langage qu’il tint dès son arrivée à Paris calma les appréhensions qu’avait inspirées au gouvernement français le rappel d’Orloff et d’autant qu’à la même époque, le général Appert trouvait de plus en plus auprès de l’Empereur un accueil bienveillant et cordial.

Cette situation se maintiendra durant toute l’année 1884. La politique des Puissances dans les Balkans et en Égypte, quoique fertile en divisions et en dissentiments, n’exerce aucune mauvaise influence sur les rapports de la Russie avec la France. Une seule circonstance se produisit dont aurait pu prendre ombrage le cabinet de Paris si les explications données à l’avance par de Giers à notre ambassadeur n’avaient eu pour effet de prévenir les inquiétudes que nous aurions pu concevoir. On était à la veille de l’entrevue des trois empereurs dont il fut tant parlé en cette même année. Ils devaient se rencontrera Skierniewice dans la Pologne russe et, comme leurs principaux ministres les accompagnaient, on se demandait quelles résolutions seraient prises. En réponse aux questions que lui posait le général Appert, de Giers lui déclara formellement qu’en cette rencontre, aucune question de politique internationale ne serait traitée. On s’occuperait uniquement de jeter les bases d’une entente à l’effet de réprimer les crimes contre les souverains et chefs d’Etat. Il est piquant de constater qu’au