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même moment, le chancelier d’Allemagne faisait au représentant de la France à Berlin une déclaration analogue. La suite a prouvé que ces propos exprimaient la vérité. Les trois empereurs avaient tenu en se réunissant à ne pas inquiéter la France et tout porte à croire que l’initiative de leur résolution émanait de l’Empereur de Russie.

L’idée de jeter les bases d’une sorte d’alliance contre les assassins venait aussi de lui, mais également de Guillaume Ier. Ils la considéraient comme nécessaire, Alexandre III surtout, à qui la police impériale par les mesures qu’elle prenait rappelait sans cesse qu’il était toujours sous le poignard. Lorsqu’on septembre, il part pour Varsovie où il n’était pas allé depuis son avènement, et d’où il doit se rendre à Skierniewice, il prend la voie ferrée gardée sur tout le parcours par un cordon de troupes. Longtemps encore, il ne voyagera que sous la protection de soldats en armes, c’est-à-dire en défiance de ses propres sujets, situation véritablement lamentable pour un prince qui souhaite ardemment leur bonheur et dont les efforts pour l’assurer ne lui valent pas toujours la reconnaissance qu’il avait espérée.

Il arrive même que les mesures qu’il prend pour alléger leurs charges attirent sur lui les critiques et les ressentiments de sa famille. En février 1885, il décide que désormais les arrière-petits-enfants des empereurs ne seront plus reconnus en qualité de grands-ducs et de grandes-duchesses. On les considérera toujours comme princes du sang, ils auront le titre d’Altesse, mais ne recevront plus de dotation et ne jouiront plus des prérogatives et privilèges qui leur étaient affectés depuis le règne de Paul Ier. Cette mesure à laquelle applaudit l’opinion a été rendue nécessaire par l’accroissement de la famille impériale qui pesait lourdement sur l’Etat ; il était devenu indispensable de limiter cette charge et l’Empereur n’a pas hésité à le faire quand il s’est convaincu que ce serait pour ses sujets un acte de justice et un bienfait ; il ne s’est pas laissé arrêter par les réclamations et les plaintes dont il a été assailli.

Les mesures qu’il prend ont toutes ce caractère de ténacité. Voici maintenant cinq ans qu’il règne et la transformation qui s’est opérée en lui éclate à tous les yeux. Ce n’est plus aujourd’hui le souverain débutant et timide qui se laissait guider pur des hommes plus expérimentés que lui. Il a pris l’habitude de