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France, il s’apaisa et le silence se fit sur l’événement. Mais il n’en fut pas de même de celui qui suivit, c’est-à-dire le rappel du général Appert, décidé au mois d’avril 1886 par le ministère que présidait M. de Freycinet, ministre des Affaires étrangères.

Jamais rappel d’ambassadeur ne fut plus inattendu, et le moins qu’on en puisse dire c’est qu’il constituait une suprême imprudence. On ne saurait qualifier autrement la faute qui fut commise lorsque, sans autre raison que le désir de donner au général Billot la succession du général Appert, on se priva des services d’un homme qu’Alexandre III traitait en favori et auquel il prodiguait les marques de sa bienveillance. En 1885, il avait voulu assister à un bal donné à l’ambassade de France et exigé que tous les princes et princesses de sa famille se rendissent à l’invitation qui leur avait été adressée. C’était la première fois, depuis longtemps, que pareil fait se produisait. Il témoignait d’une sympathie du souverain pour le général Appert, singulièrement précieuse pour le règlement des affaires. La sagesse la plus élémentaire commandait de ne rien changer à cet état de choses, alors surtout qu’à propos de Kropotkine, l’ambassadeur avait donné la preuve de son influence en contribuant à calmer la première colère de l’Empereur.

Vis-à-vis de lui, on ne pouvait invoquer que « les dures exigences de la politique et les nécessités du gouvernement » et on n’invoqua pas d’autres raisons dans la lettre qu’on lui écrivit pour l’avertir de son rappel. Pour le lui rendre moins pénible, on lui annonçait qu’en rentrant en France, il recevrait le grand cordon de la Légion d’honneur. Mais ceci n’était pas assez pour conjurer l’impression pénible qu’il ressentit lorsqu’un soir, à un bal qu’il donnait en l’honneur de la grande-duchesse Catherine, cette lettre lui fut remise. Sa réponse s’en ressentit et en même temps qu’il s’inclinait devant la décision ministérielle, il laissait entendre que son rappel était aussi maladroit qu’injuste.

Cependant, bientôt après, le gouvernement impérial était averti par son ambassadeur à Paris, le baron de Mohrenheim, que le général avait demandé son rappel « pour des raisons de santé » et que, pour le remplacer, le gouvernement français allait proposer à l’agrément de l’Empereur le général Billot. L’un des jours suivants, à la parade, à laquelle le général,